Elles travaillent fort, ont peu de moyens et aspirent à conquérir les marchés mondiaux: les entreprises en démarrage sont un peu comme des musiciens peu connus qui rêvent de percer.

> Suivez Philippe Mercure sur Twitter

Et comme les recruteurs des grandes maisons de disques qui écument les bars à la recherche du prochain groupe à succès, les investisseurs de capital-risque sont à l'affût, prêts à miser sur les boîtes les plus prometteuses dans l'espoir de les transformer en prochain Google.

C'est le métier que pratique Chris Arsenault, fondateur et associé principal de la firme de capital-risque québécoise iNovia. Un métier méconnu, souvent mal compris, et pourtant essentiel dans la chaîne d'innovation qui donne naissance aux entreprises technos.

«Les gens me demandent encore: comment je fais une demande pour votre capital? Ou alors ils nous envoient leur plan d'affaires en nous demandant quand on va prendre une décision. Ce n'est pas comme ça que ça marche! On n'est pas la banque du coin de la rue!», s'exclame Chris Arsenault, Gaspésien d'origine qu'on aperçoit invariablement dans les activités de formation et autres soirées destinées aux boîtes en démarrage de la métropole.

Comme d'autres fonds de capital-risque québécois tels Novacap, Cycle Capital ou Real Ventures, iNovia intervient quand des entrepreneurs technologiques croient tenir une bonne idée, mais ont besoin d'argent pour la mettre au point avant de générer des revenus.

Comme son nom l'indique, le capital-risque est donc un pari, un acte de foi. Si l'idée s'avère bancale, si l'équipe de direction ne produit pas les résultats escomptés, si un concurrent qu'on n'avait pas vu venir prend le marché, le capital-risqueur peut tout perdre. Au contraire, une entreprise qui explose peut lui faire faire des affaires d'or.

Mais l'argent n'est pas tout dans l'industrie du capital-risque. Selon Chris Arsenault, ce n'est même pas là le principal.

«Le métier d'investisseur en capital-risque est un métier entrepreneurial d'abord, financier ensuite», énonce-t-il.

L'exemple américain l'a bien montré: les meilleurs fonds de capital-risque ne font pas que signer des chèques en priant pour des succès. La plupart du temps, celui qui investit prend un siège au conseil d'administration de l'entreprise. Il conseille l'équipe de direction, étudie le marché, utilise ses contacts pour dénicher des clients potentiels, des conseillers ou d'autres investisseurs prêts à miser sur l'entreprise.

«Tu veux une définition de ma job? On est une agence de rencontre. On met des gens en contact pour faire arriver les choses», résume d'ailleurs M. Arsenault.

Un entrepreneur pour des entrepreneurs

Comme de plus en plus de gens dans le métier, Chris Arsenault est lui-même un ancien entrepreneur. L'homme n'a que 16 ans quand il lance sa première entreprise... dans des circonstances plutôt amusantes.

À l'époque, le jeune homme organise des fêtes dans sa Gaspésie natale, mais ne peut obtenir de permis d'alcool parce qu'il est mineur.

«Qu'est-ce que tu fais dans ce temps-là? Tu enregistres une entreprise au palais de justice. Et une fois que tu as ton entreprise, tu prends ton permis d'alcool au nom de l'entreprise», explique celui qui tire une morale implacable de cette histoire: «Il y a toujours moyen de s'arranger.»

Chris Arsenault récidive rapidement en lançant une pléiade d'entreprises technologiques, dont SIT. «Mon plus grand succès et mon plus grand échec», dit-il aujourd'hui.

Cette boîte vend notamment des logiciels qui permettent d'accéder à l'internet et qui finiront par être utilisés par Netscape. Mais après avoir atteint une taille de 115 employés, le vent tourne pour SIT et l'entreprise vacille.

«J'ai fait toutes les erreurs qu'un entrepreneur peut faire, raconte Chris Arsenault. J'ai embauché tous mes amis. Je n'ai pas mis à pied assez rapidement, et j'ai mal fait ça. J'avais les meilleurs développeurs du Québec, mais je n'avais pas d'équipe de management de haut niveau. Je ne savais pas comment me confier, ni à qui. Des coachs, des mentors, je n'en avais pas.»

Après avoir participé à la conception du fameux moteur de recherche québécois Copernic, Chris Arsenault finit par être pris sous l'aile du grand manitou des télécoms, Charles Sirois, avec qui il lance diverses initiatives dont plusieurs deviennent des entreprises.

Toutes ces expériences lui servent maintenant à comprendre les entrepreneurs qu'il finance.

«Ce que j'ai appris avec Charles et mon expérience avec SIT est la base de tout ce que je fais aujourd'hui», dit Chris Arsenault.

C'est en prenant les rênes de MSBi, société de valorisation technologique de l'Université McGill, qu'il plonge dans le monde du financement et finit par lancer iNovia.

Son truc comme investisseur? Miser sur des entreprises qui évoluent dans des marchés ultraspécialisés que son équipe connaît comme le fond de sa poche.

Son meilleur coup? «J'ai une entreprise en portefeuille qui, après quatre ans, génère plus de 100 millions de revenus et est très profitable», révèle Chris Arsenault... qui refuse toutefois de dire laquelle.

Son pire? «Les huit liquidations pour lesquelles on a retrouvé moins que 100 cents dans le dollar! Perdre, ça fait toujours mal.»

La plupart de ces échecs, dit-il, ne sont dus ni à la technologie ni au marché.

«Souvent, c'est que tu as perdu la chimie avec la direction de l'entreprise, explique-t-il. L'ego a joué un rôle trop important. L'ego est à la fois le pire ennemi de l'entrepreneur... et de l'investisseur.»

Fondateur et président Chris Arsenault

Investisseurs iNovia gère l'argent de plusieurs investisseurs dont la Caisse de dépôt et placement du Québec, FIER partenaires, BDC Capital, Fondaction CSN, Télésystème, les universités McGill, Sherbrooke, Bishop et l'Université de l'Alberta.

Le concept en 140 caractères «iNovia Capital a un seul but: soutenir les entrepreneurs exceptionnels pour bâtir des entreprises technologiques solides.» Chris Arsenault

Objectifs d'ici un an Lancer iNovia III, un fonds de 125 millions destiné aux entreprises en démarrage du secteur des technologies de l'information. S'assurer de soutenir les entrepreneurs les plus prometteurs pour bâtir des entreprises technologiques avec des chiffres d'affaires de plus de 100 millions au Québec.