Puisque la reprise économique évolue à «un rythme modéré» et que le marché du travail «s'améliore quelque peu» seulement, la Réserve fédérale américaine (Fed) révise à la baisse son scénario de croissance pour l'année en cours, 2012 et 2013.

En maintenant à l'unanimité la fourchette cible de 0 % à 0,25 % de son taux directeur «pour une durée étendue», les autorités monétaires américaines en ont aussi profité pour ajuster leur scénario sur la croissance, l'état du marché du travail et l'évolution des prix.

Cette année, l'économie devrait progresser de 3,1 % à 3,3 %. En janvier, la Fed misait plutôt sur un rythme de 3,4 % à 3,9 %.

En conférence de presse, la première à survenir après l'annonce du taux directeur, le président Ben S. Bernanke a expliqué que le premier trimestre a été plus faible que prévu. Il s'attend, tout comme la majorité des économistes, à une avancée du produit intérieur brut (PIB) tout juste en deçà de 2 % en rythme annuel.

De plus faibles dépenses de la Défense, des exportations moins grandes et une météo maussade expliquent en bonne partie cette faiblesse qui devrait se résorber au printemps, soutient M. Bernanke.

Il reconnaît du même souffle que la faiblesse du secteur de la construction aura des conséquences durables sur la croissance. Le communiqué de la Fed précise d'ailleurs que «l'investissement dans les structures non résidentielles demeure faible et (que) le secteur de l'habitation continue d'être déprimé».

La Fed indique aussi qu'elle poursuivra jusqu'à son terme l'achat de titres du Trésor et de titres adossés à des actifs hypothécaires jusqu'à concurrence de 600 milliards US, d'ici la fin de juin.

Elle maintient aussi sa décision de réinvestir les intérêts et le principal des titres de son portefeuille arrivés à terme.

Appelé par les journalistes à préciser ce que «durée étendue» (extended period) signifie, M. Bernanke a expliqué que l'expression était vague à souhait, car tout changement à la politique monétaire sera tributaire de l'évolution de la conjoncture. «Peut-être deux ou trois (a couple) réunions encore», a-t-il néanmoins précisé, ce qui nous mène en août, voire en septembre.

Il a aussi indiqué que le premier signal d'une stratégie de sortie de taux «exceptionnellement faibles» en place depuis décembre 2008 consistera sans doute à ne plus réinvestir les intérêts et le principal des titres arrivés à maturité. «Cela constitue une forme de resserrement monétaire», a-t-il précisé.

M. Bernanke a aussi précisé que le déficit budgétaire actuel de Washington n'était pas soutenable et qu'il faudra s'y attaquer pour trouver une solution à long terme.

Si cela devait entraver la croissance, la Fed devra ajuster le rythme de son prochain resserrement monétaire.

La Fed reconnaît que les prix élevés de l'essence attisent l'inflation, mais elle croit qu'il s'agit de pressions passagères et que les perspectives d'inflation restent faibles.

Elle corrige néanmoins ses perspectives d'inflation considérablement pour l'année en cours.

De 1,3 % à 1,7 %, elle s'attend désormais à une augmentation de 2,1 % à 2,8 % des prix à la consommation.

En 2012 et 2013, l'inflation devrait évoluer entre 1,2 % et 2,0 %. M. Bernanke a précisé qu'un taux de 1,75 % à 2,0 % serait conforme au volet stabilité des prix du double mandat de la Fed.

Le taux d'inflation de base (sans les aliments et l'énergie) n'atteindrait pas cet Éden avant 2013.

Le mandat de favoriser l'emploi maximal prendra quant à lui plus de temps à se concrétiser. La Fed croit que le taux de chômage devrait se situer dans une fourchette de 5,25 à 5,6 % à long terme.

Elle prévoit cependant que le taux des demandeurs d'emploi fluctuera encore entre 6,8 % et 7,2 % en 2013.

Devant la presse, M. Bernanke a admis que les prix élevés du carburant étaient un des trois grands freins à la reprise en cours qu'il juge durable. Les deux autres sont les taux élevés de chômage et de saisies de maisons.

Rien en somme pour justifier un tour de vis prochain sur le loyer de l'argent.

Le communiqué de la Réserve fédérale

Voici le texte intégral du communiqué de la Réserve fédérale américaine (Fed) publié mercredi à l'issue d'une réunion de deux jours de son Comité de politique monétaire (FOMC) à Washington:

«Les renseignements reçus depuis que le FOMC s'est réuni en mars montrent que la reprise économique se poursuit à un rythme modéré et que la conjoncture générale sur le marché du travail s'améliore progressivement. Les dépenses des ménages et l'investissement des entreprises en équipements et logiciels continuent de croître. Cependant, l'investissement dans les structures non résidentielles est toujours faible, et le secteur du logement reste déprimé. Les prix des matières premières ont considérablement augmenté depuis l'été dernier, et les inquiétudes pour l'approvisionnement mondial en pétrole brut ont contribué à l'appréciation marquée des cours du pétrole depuis la réunion du Comité en mars. L'inflation s'est reprise ces derniers mois, mais les attentes d'inflation à plus long terme sont restées stables et les mesures de l'inflation sous-jacente sont modérées.

«Conformément à sa mission statutaire, le Comité cherche à favoriser le niveau maximal d'emploi et la stabilité des prix. Le taux de chômage reste élevé, et les mesures de l'inflation sous-jacente sont encore plutôt basses, comparées aux niveaux que le Comité juge conformes, à long terme, à sa double mission. La hausse des prix de l'énergie et d'autres matières premières a exercé des pressions à la hausse sur l'inflation ces derniers mois. Le Comité prévoit que ces effets seront passagers, mais surveillera de près l'évolution de l'inflation et des attentes d'inflation. Le Comité anticipe toujours un retour progressif à des niveaux plus élevés d'utilisation des ressources dans un contexte de stabilité des prix.

«Afin de favoriser un rythme plus rapide de reprise économique et pour contribuer à faire en sorte que l'inflation, au fil du temps, soit à des niveaux compatibles avec sa mission, le Comité a décidé aujourd'hui de continuer à accroître le montant des titres qu'il détient comme annoncé en novembre. En particulier, le Comité maintient sa politique actuelle de réinvestir les remboursements du principal des titres de dette qu'il détient et achèvera l'achat de 600 milliards de dollars d'obligations du Trésor à moyen et long terme d'ici à la fin du trimestre en cours. Le Comité examinera régulièrement la taille et la composition des titres qu'il détient à la lumière des renseignements qui lui parviendront et est prêt à ajuster ce portefeuille autant que nécessaire pour favoriser au mieux le niveau maximal d'emploi et la stabilité des prix.

«Le Comité maintient l'objectif du taux pour l'argent au jour le jour entre 0 et 0,25% et continue de prévoir que les conditions économiques, y compris les faibles taux d'utilisation des ressources, les tendances de l'inflation à la modération et des attentes d'inflation stables, sont susceptibles de justifier un niveau exceptionnellement bas pour le taux de l'argent au jour le jour pendant une longue période.

«Le Comité continuera à surveiller les perspectives économiques et les événements dans la finance et emploiera ses outils de politique monétaire autant que nécessaire pour soutenir la reprise économique et faire en sorte que l'inflation, au fil du temps, soit à des niveaux conformes à sa mission.

«Ont voté en faveur des mesures de politique monétaire du FOMC: Ben Bernanke, président, William Dudley, vice-président, Elizabeth Duke, Charles Evans, Richard Fisher, Narayana Kocherlakota, Charles Plosser, Sarah Bloom Raskin, Daniel Tarullo et Janet Yellen.

(Traduction: AFP)