Facebook, LinkedIn, Viadeo... les réseaux sociaux sur l'internet font aujourd'hui partie du quotidien de tout utilisateur du web. Selon certaines études, un internaute passe en moyenne 15% de son temps sur un réseau social. Plus de 500 millions de personnes ont un compte Facebook, 85 millions fréquentent LinkedIn et l'immense majorité des utilisateurs de médias sociaux s'attendent à ce qu'une entreprise soit présente sur ces réseaux.

Les recruteurs ont rapidement pris conscience des avantages qu'ils pouvaient en tirer. En effet, lorsque vous faites partie d'un réseau social, vous recevez régulièrement des mises à jour des coordonnées professionnelles de vos contacts; vous pouvez obtenir les offres d'emploi qui vous intéressent dans votre région; vous pouvez annoncer à l'ensemble de vos contacts que vous êtes à la recherche de candidats pour un poste dans votre organisation... Quelle manne pour les recruteurs!

Dans le contexte actuel de pénurie de main-d'oeuvre, les ressources qu'offrent les réseaux sociaux, et le web 2.0 en général, sont inestimables.

Imaginez! Une entreprise peut désormais envoyer un SMS à des candidats ciblés pour leur faire part d'une offre d'emploi ou les inviter à une journée portes ouvertes; elle peut organiser une foire d'emploi virtuelle dans un monde parallèle comme Second Life; elle peut réaliser une vidéo promotionnelle et la mettre en ligne sur YouTube en espérant qu'elle se propage de façon virale...

Si de telles initiatives restent relativement marginales, en revanche, de plus en plus d'entreprises demandent à leurs recruteurs d'être à l'affût des nouveaux talents sur les réseaux sociaux, de faire preuve d'initiative et de privilégier les approches directes auprès de candidats potentiels, même si ceux-ci n'ont jamais répondu à une offre d'emploi.

Ces nouveaux «recruteurs sociaux» passent en revue les annuaires électroniques d'associations ou de groupes d'intérêt, puisque ceux-ci listent généralement non seulement les coordonnées des individus, mais également leur expertise; ils utilisent les sites de réseautage pour faire paraître des annonces, mais surtout pour dépister des profils de candidats idéaux; ils explorent, voire animent, des blogues ou des forums de discussion spécialisés pour découvrir des candidats potentiels.

Des questions éthiques

Et ils ne se contentent pas de repérer les talents... Un nombre croissant de recruteurs utilisent également les médias sociaux pour vérifier l'information obtenue sur le candidat durant le processus d'évaluation et de sélection.

En effet, si les réseaux professionnels tels que LinkedIn ressortent en tête des médias les plus utilisés pour le recrutement au sens large, les frontières entre les réseaux strictement professionnels et ceux qui sont plus personnels tendent à diminuer.

Par exemple, la consultation du blogue d'un candidat ou de sa page Facebook permet d'en apprendre plus sur sa personnalité et sur son réseau de contacts qu'une classique entrevue de sélection.

Cette pratique soulève donc des questions éthiques. Non seulement de plus en plus d'employeurs vérifient les contenus publiés en ligne par les candidats, mais ils utilisent les informations obtenues dans leur décision d'embauche. Ainsi, selon les études, de 30 à 40% des employeurs interrogés affirment avoir été dissuadés d'embaucher des candidats après cette vérification.

Les règles concernant le respect de la vie privée s'appliquent mal au contexte spécifique des réseaux sociaux puisque la plupart des utilisateurs considèrent les renseignements qu'ils contiennent comme appartenant au domaine public.

Ainsi, les employeurs peuvent argumenter que le candidat a délibérément, et en toute connaissance de cause, rendu publiques des informations personnelles. Mais la consultation du profil en ligne d'un candidat permet également à l'employeur d'avoir accès à des informations qui sont habituellement exclues des processus de sélection, comme les croyances politiques ou religieuses.

Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada concluait récemment que, sur les sites de réseautage social, les frontières entre le public et le privé se brouillent et que les internautes n'ont pas d'idée claire sur les pratiques exemplaires à adopter, ni même sur ce qui est attendu en matière de protection de la vie privée.

Prudence!

Alors, quels conseils donner aux internautes? D'une part, soyez prudents quant à ce que vous publiez en ligne, faites preuve de discernement et demandez-vous si cette information peut, un jour, nuire à votre réputation. D'autre part, apprenez à gérer votre identité numérique, par exemple en modifiant les paramètres de diffusion de vos renseignements personnels.

Et pour les employeurs? Premièrement, n'hésitez pas à utiliser les médias sociaux pour dépister des talents: ce sont de puissants outils, mais ce n'est pas une panacée et ils ne remplacent pas les modes traditionnels de recrutement.

Deuxièmement, soyez vigilants dans l'utilisation des renseignements que vous recueillez en ligne: seules les informations sur les compétences du candidat sont pertinentes à une décision de sélection.

L'engouement des recruteurs pour le dépistage de talents en ligne est plus qu'une mode passagère, mais il reste encore beaucoup de chemin à faire pour maîtriser pleinement l'usage de ces outils dans un contexte de recrutement.

Anne Bourhis est professeure titulaire et directrice du service de l'enseignement de la gestion des ressources humaines à HEC Montréal.