Que les nostalgiques se le tiennent pour dit: les gros centres de recherche comme celui que Merck a fermé l'an dernier à Kirkland, dans l'île de Montréal, ne sont pas près de revenir dans le paysage canadien.

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C'est en tout cas l'opinion de Hugh O'Neill, grand patron de la filiale canadienne du géant pharmaceutique Sanofi-Aventis [[|ticker sym='SNY'|]], qui se décrit comme «le plus grand investisseur en recherche et développement pharmaceutique innovatrice du Canada».

«C'est le résultat d'un changement dans le modèle, a dit M. O'Neill en parlant des fermetures des grands centres de recherche. La plupart d'entre nous fonctionnaient avec de gros médicaments-vedettes (blockbusters), de grands projets de recherche, de grandes installations. À mesure que ce modèle change - on lance maintenant de plus petits produits destinés à une plus petite portion de la population -, les revenus changent, et ça a un impact sur les installations.»

«Les grandes études à large échelle ne seront probablement pas la façon dont on va approcher la recherche au Canada ni ailleurs dans le monde, a continué M. O'Neill en marge d'une allocution prononcée hier devant le Cercle canadien de Montréal. Ce sera de plus petits projets de recherche spécialisés qui ne demanderont pas les grandes infrastructures du passé.»

Sanofi-Aventis Canada emploie 820 personnes au pays, dont 600 au Québec, où elle possède son siège social ainsi qu'une unité de production.

L'entreprise a elle-même procédé à deux vagues de licenciements l'an dernier au Canada qui ont touché environ 150 employés.

Tous ces emplois perdus dans l'industrie pharmaceutique canadienne finiront-ils par revenir?

«Je crois que l'industrie est au milieu d'un processus qui lui fera retrouver une juste taille (rightsizing). Nous étions devenus trop gros», a répondu M. O'Neill.

Un «manque de confiance»

Devant un parterre de gens d'affaires, M. O'Neill a plaidé pour une réforme des soins de santé au pays, un secteur «qui vit une période difficile, s'il n'est pas déjà en crise», a-t-il dit.

M. O'Neill considère les médicaments innovateurs comme ceux qu'il fabrique comme l'une des solutions au problème. Le hic, à ses yeux, c'est que ces médicaments sont toujours perçus comme des coûts, jamais comme des investissements.

«Autoriser un nouveau médicament peut diminuer les hospitalisations, ce qui fait diminuer les coûts globaux du régime», a-t-il illustré.

Selon lui, cette mauvaise perception repose sur le fait que les dépenses liées aux médicaments sont comptabilisées séparément de celles des hôpitaux par les gouvernements, ce qui empêche de voir les impacts des premières sur les deuxièmes.

M. O'Neill a déploré par la bande que le Canada arrive 23e sur 29 parmi les membres de l'OCDE pour la proportion de nouveaux médicaments remboursés par les régimes publics.

Sanofi-Aventis a lancé un programme il y a deux ans destiné justement à marteler ce message et amener des changements, mais M. O'Neill affirme qu'il n'est pas satisfait des résultats.

Il y a un «manque de confiance» envers l'industrie pharmaceutique, note-t-il.

«Nos clients doutent de nos intentions. Ils croient qu'on veut seulement en tirer des bénéfices pour nous», dit-il, admettant que le fait que les entreprises pharmaceutiques innovatrices n'aient pas rempli leur engagement d'investir 10% de leurs revenus en R-D au Canada a peut-être contribué à cette méfiance.