En annonçant la reconduction de son taux directeur à 1% demain, la Banque du Canada devra fournir quelque indication sur la reprise de son resserrement monétaire interrompu depuis octobre.

Son scénario économique présenté à la mi-janvier a sous-estimé de beaucoup la vigueur retrouvée de l'économie canadienne.

Elle avait misé sur une croissance de 2,4% au 4e trimestre: on sait qu'elle s'est élevée à 3,3%. Statistique Canada a en outre relevé de 1,0% à 1,8% celle du 3e trimestre. Cela signifie que l'erre d'aller de l'économie était bien moins faible qu'escomptée.

En outre, les données jusqu'ici disponibles indiquent que le 1er trimestre aura été beaucoup plus fort que les 2,5% prévus par la Banque.

Bref, l'écart de production, qui mesure la différence accumulée entre la croissance potentielle et la croissance réelle de l'économie, s'est rétréci beaucoup plus vite que ne l'entrevoyaient les autorités monétaires.

Mesurer l'écart de production et tenter de cerner quand il sera comblé fait partie du travail de la Banque en matière de maîtrise de l'inflation. Son taux directeur doit être neutre au moment où l'économie tourne à son plein potentiel. Faute de quoi, les prix peuvent s'emballer.

Dans son scénario de janvier, la Banque estimait que cet écart serait aplani à la fin de l'an prochain. Au rythme où vont les choses, ce pourrait être bien avant. Cela laisse donc moins de temps aux autorités monétaires pour normaliser le taux directeur.

Mais quel est ce taux normal? Historiquement, il s'est élevé à près de 2% au-dessus du taux d'inflation. En présumant que la Banque parvienne à limiter l'inflation près de sa cible de 2%, cela fait un taux directeur de 4%.

Force du dollar

Certains économistes pensent cependant qu'il pourrait être un peu plus faible au cours du présent cycle, surtout que la force du dollar canadien agit comme un resserrement monétaire, du moins pour les exportateurs. D'autres formes de resserrement existent aussi, dont l'austérité fiscale, des coûts d'emprunt pour les banques plus élevés qu'avant la récession qu'elles refilent à leurs clients et des conditions d'attribution des prêts hypothécaires plus sévères.

Même à 3%, le taux directeur neutre est encore à 200 centièmes du taux actuel, ce qui milite pour une reprise prochaine des hausses.

Toutefois, la Banque a le luxe d'attendre encore une ou deux dates fixes d'annonce avant de resserrer la vis.

Même si elle défend jalousement son indépendance, la Banque n'a pas l'habitude d'amorcer ni d'annoncer un resserrement monétaire en pleine campagne électorale. Cela n'écarte pas toutefois qu'elle indique son intention de sortir de touche bientôt, soit le 31 mai, soit le 19 juillet.

D'ici au 31 mai, elle aura pris connaissance de deux mois de données sur l'évolution des prix à la consommation, plutôt erratique depuis le début de l'année.

Inflation globale

Officiellement, c'est l'inflation globale mesurée par l'indice des prix à la consommation qu'elle cible. Elle se situait à 2,2% en février et était surtout mue par la poussée des prix à la pompe et des hausses de taxes à la consommation dans 4 provinces.

En pratique, ce sont les tendances de l'inflation qui l'intéressent, car la politique monétaire a de l'effet seulement avec un délai de 12 à 18 mois. L'inflation tendancielle est mesurée par l'IPCX qui élimine huit composantes de l'IPC jugées volatiles comme l'essence ou les fruits et légumes frais, ainsi que l'effet des taxes. En février, l'IPCX évoluait à 0,9%, son rythme le plus faible en 25 ans.

Sa lecture est cependant sujette à caution, compte tenu de certains facteurs non récurrents comme la hausse des tarifs d'hébergement de février 2010 à cause des Jeux olympiques de Vancouver.

Il n'est pas facile non plus de jauger comment la force étonnante du huard nuira aux exportateurs au fil des mois. Est-ce précurseur d'un essoufflement de la croissance en milieu d'année comme ce fut le cas l'an dernier, ce qui avait pris de court même la Banque?

Chose certaine, les mois de pause monétaire sont comptés.