Signe que l'économie québécoise traverse un passage à vide, elle ne parvient pas à créer des emplois cette année, alors que le marché du travail de l'ensemble canadien se consolide.

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Après trois mois en 2011, le Québec compte 3600 emplois de moins qu'en décembre, compte tenu de la perte 14 700 jobs en mars. Il s'agit du recul mensuel le plus prononcé depuis juillet dernier, quand a commencé le ralentissement de l'expansion québécoise.

Les récentes données de l'Enquête sur la population active de Statistique Canada révèlent aussi que cette situation contraste avec l'ensemble canadien, qui compte 82 800 emplois de plus qu'en décembre, malgré le recul de 1500 en mars.

Tant au Québec qu'au Canada, le taux de chômage s'établit cependant à 7,7%.

Depuis le début de l'année, la détérioration du marché du travail québécois est plus profonde que le chiffre net de l'emploi ne le laisse paraître. En fait, la perte nette est le résultat de la disparition de 18 600 emplois à temps plein, compensée en partie par la création de 15 000 postes à temps partiel. C'est comme si les employeurs choisissaient de réduire le nombre d'heures de travail en attendant que leur situation ne s'améliore. Heureusement, cette tendance paraît s'être inversée en mars, mais les données mensuelles restent très volatiles.

Dans l'ensemble canadien, c'est l'inverse. Il s'est créé 97 900 postes à temps plein, mais il s'est détruit 15 200 à temps partiel. Cette tendance a continué de s'affirmer en mars avec 91 000 nouveaux emplois à temps plein -le meilleur score en 18 mois- mais la destruction de 1500 de plus encore à temps partiel. Le nombre d'heures travaillées a conséquemment augmenté de 0,5%, bien que la durée moyenne de la semaine de travail ait reculé.

Seule ombre à cette solide consolidation, les travailleurs autonomes sont en forte augmentation alors que leur cohorte diminue légèrement au Québec.

Il y a un autre élément très mou dans le marché québécois: non seulement les employeurs réduisent le temps de travail, mais ceux du secteur privé licencient, alors qu'ils embauchent timidement d'un océan à l'autre.

C'est le secteur public qui gonfle ses effectifs dans la société distincte. Les nouveaux emplois y augmentent davantage que dans tout l'ensemble canadien, alors que tant Québec qu'Ottawa empruntent la voie de l'austérité budgétaire. Pareille tendance ne pourra perdurer.

Autre contraste, il s'est ajouté 24 000 emplois dans la construction à l'échelle pancanadienne, mais il s'en est détruit 2000 au Québec.

Les pertes dans le segment du commerce sont aussi plus lourdes que le total canadien, ce qui reflète l'essoufflement du consommateur.

«Nous nous attendons à ce que ces segments restent faibles au cours des deux prochaines années, tant au chapitre de l'activité que de l'emploi, prévient Sonya Gulati, économiste chez TD. Cela s'explique par les mesures d'austérité fiscales et par une plus faible augmentation du nombre de maisons neuves.»

En janvier, la TVQ a augmenté d'un point de pourcentage et une seconde hausse est prévue en janvier 2012, ce qui la portera à 9,5%.

Par bonheur, le Québec a récupéré tous les emplois perdus durant la récession et en compte toujours 5000 de plus qu'avant la récession. Ce n'est pas le cas de quatre provinces canadiennes, dont l'Ontario. D'un océan à l'autre, le nombre d'emplois à temps plein reste en deçà de 25 000 de son sommet d'octobre 2008. «Le marché du travail du Québec est l'un de ceux qui se sont relevés le plus rapidement des effets de la récession», rappelle Benoit P. Durocher, économiste principal chez Desjardins.

Sans être mirobolants et très loin de la prévision des économistes, les chiffres canadiens reflètent une lente amélioration du marché du travail. «Lentement, les Canadiens retrouvent du travail et le taux de chômage se rapproche du plein emploi», résume Avery Shenfeld, économiste en chef chez CIBC.