Même si la Grande Récession a perturbé l'élan de la mondialisation du commerce, elle va continuer de se développer dans des conditions différentes.

Les exportateurs canadiens ont tout intérêt à comprendre et profiter de cette «nouvelle normalité».

«S'isoler équivaut à se tirer dans le pied. Le Canada est trop petit pour faire cavalier seul», a prévenu hier Stephen Poloz, président et chef de la direction d'Exportation et Développement Canada (EDC), société d'État fédérale de financement des exportations.

Profitant de la tribune du Conseil des relations internationales de Montréal pour sa première sortie publique dans le cadre de ses nouvelles fonctions, M. Poloz a défini ce qu'il appelle la nouvelle normalité de la mondialisation dans laquelle devront se mouvoir les exportateurs: croissance forte des économies émergentes, banques européennes fragilisées, économie américaine face à de grands défis, risques géopolitiques persistants et multiples.

Malgré la crise de 2008-2009, la mondialisation n'est pas morte. «L'augmentation du prix du pétrole ne viendra pas non plus à bout de cette force de la nature», prédit-il tout en reconnaissant qu'il est normal que les économies les plus touchées veuillent protéger leur main-d'oeuvre à court terme.

Le commerce est essentiel à l'avancement de la civilisation et à l'augmentation de la qualité de vie. Voilà pourquoi c'est un phénomène naturel, soutient-il.

Le président d'EDC exhorte les exportateurs à continuer de faire partie de la chaîne d'approvisionnement des grandes sociétés américaines tout en prenant de plus en plus racine dans les économies émergentes.

Il a vanté les mérites de l'investissement direct étranger par les firmes canadiennes et répété qu'EDC peut s'associer aux entreprises désireuses d'en faire. Loin d'y voir de la délocalisation d'emplois, il soutient plutôt que c'est l'occasion de créer des débouchés.

Il donne l'exemple de Research In Motion (RIM), dont plusieurs composantes des téléphones sans fil BlackBerry sont fabriquées en Inde. En contribuant à l'essor de la classe moyenne là-bas, RIM déniche aussi de nouveaux utilisateurs de son produit-vedette. «La fragmentation de la production crée des vagues sur lesquels vous pouvez surfer, analyse-t-il. Votre fournisseur peut devenir aussi votre client.»

Aux quelque 450 milliards de dollars que le Canada a exportés l'an dernier, il faut en ajouter autant pour tenir compte du chiffre d'affaires des filiales canadiennes à l'étranger. Les bénéfices réalisés à l'étranger sont en partie rapatriés et contribuent à l'essor du Canada.

Libre-échange

Le libre-échange favorise aussi l'abaissement des coûts de production. Si le prix d'un bien diminue parce que certaines de ses composantes sont fabriquées là où c'est le plus efficace de le faire, le consommateur canadien a plus d'argent pour aller au cinéma ou au restaurant, en déduit-il.

La «nouvelle normalité» pose cependant des défis particuliers aux exportateurs canadiens aux prises avec une monnaie forte, une concurrence accrue et un protectionnisme larvé dans certains marchés comme le Brésil, mais la mondialisation est là pour rester. «C'est une force de la nature qui est la racine de la civilisation», croit M. Poloz.

Le président d'EDC a présenté un plaidoyer pro domo aux quelque 400 convives venus l'écouter. La société d'État compte 17 représentations de par le monde. Elle a réalisé quelque 800 prêts l'an dernier, dont 80% en partenariat avec des institutions financières.

Le tiers de ces prêts se sont concrétisés dans les économies émergentes. Stephen Poloz souhaite que cette proportion augmente.

- Création: société d'État fondée en 1944.

- Mandat: accroître et développer le commerce extérieur du Canada.

- Clients: environ 8300 entreprises canadiennes et leurs clients étrangers par année.

- Outils: assurances sur comptes à recevoir, prêts, cautionnement, réseautage, analyses de marchés extérieurs.

- Budget: financièrement autonome, elle a versé 695 millions en dividendes à Ottawa depuis 2002.