Le géant américain de la téléphonie AT&T va racheter à Deutsche Telekom sa filiale en difficultés T-Mobile USA pour 39 milliards de dollars, espérant ainsi être en meilleure position pour faire face à l'explosion de l'internet mobile.

Cette opération, annoncée dans un communiqué conjoint d'AT&T et de Deutsche Telekom, doit être réalisée à hauteur de 25 milliards de dollars au moins en numéraire, le solde étant versé en actions, si bien que l'opérateur allemand devrait se retrouver actionnaire d'AT&T à hauteur d'environ 8%, et en tout état de cause d'au moins 5%.

AT&T, qui compte déjà 95,5 millions d'abonnés à son réseau de téléphonie mobile (26,6% du marché en décembre, selon ComScore) met ainsi la main sur une filiale dont Deutsche Telekom voulait se débarrasser, en raison de ses bénéfices en baisse, et devrait reprendre la place de numéro un américain de la téléphonie mobile, qu'il avait perdue au profit de Verizon début 2009.

Au total, il gagnera environ 33,7 millions de clients supplémentaires (la part de marché de T-Mobile étant de 12,2%), ce qui lui permettra selon lui de porter de 58,5 à 80 milliards de dollars le chiffre d'affaires réalisé dans la téléphonie mobile.

«Avec des capacités supplémentaires en fréquences et en réseau, nous pouvons mieux répondre aux exigences actuelles de nos clients, construire pour l'avenir et aider à réaliser l'objectif du président (Barack Obama) d'une Amérique connectée sans fil et à grande vitesse», a commenté le PDG d'AT&T, Randall Stephenson, cité dans un communiqué.

AT&T a eu de 2007 à février 2011 une exclusivité très profitable sur l'iPhone d'Apple aux États-Unis, dont la popularité a entraîné une explosion de la consultation d'internet par téléphone - et un engorgement de ses réseaux dans des villes comme San Francisco et New York, où les mobinautes sont particulièrement nombreux.

«Le trafic de données sur le réseau mobile d'AT&T a progressé de 8000% depuis quatre ans et d'ici à 2015 il devrait être 8 à 10 fois plus important qu'en 2010», a expliqué l'opérateur.

En achetant T-Mobile, AT&T aura rapidement accès à toutes les tours de retransmission de cet opérateur plus petit, ce qui améliorera la densité de son maillage, de 30% dans certains sites.

En outre, il sera mieux placé pour déployer la technologie LTE (Long Term Evolution), une quatrième génération (4G) de téléphonie mobile censée permettre de recevoir des données trois ou quatre fois plus rapide que celui de la 3G actuelle.

Le grand concurrent d'AT&T, Verizon Wireless, a déjà commencé la mise en service de liaisons LTE, alors qu'AT&T ne s'y mettra que vers le milieu de cette année.

Pour l'analyste Charles Golvin, au cabinet Forrester Research, «l'acquisition de T-Mobile par AT&T apporte des bonnes et des mauvaises nouvelles. La bonne nouvelle: le service d'internet mobile à haut débit va s'améliorer en qualité et en couverture».

Mais au chapitre des mauvaises nouvelles, M. Golvin note la réduction de la concurrence, qui pourrait déboucher sur des prix encore plus élevés, puisqu'à terme «AT&T et Verizon Wireless (ndlr: 31,3% du marché en décembre) ensemble possèderont près de trois abonnements de téléphonie mobile sur quatre aux États-Unis».

Au début du mois, les spéculations avaient plutôt porté sur un rapprochement de T-Mobile avec Sprint, numéro trois aux États-Unis avec 11,9% du marché. Mais le syndicat américain CWA a jugé que la solution AT&T était meilleure, car les deux partenaires utilisent la même norme GSM, alors que Sprint est à la norme CDMA.

Sous réserve d'approbation des autorités de la concurrence, la transaction devrait être effective d'ici 12 mois. AT&T a indiqué qu'il comptait que l'opération, financée notamment par un prêt relais de 20 milliards de dollars accordé par JPMorgan, ait un impact positif sur son bénéfice dans la troisième année suivant sa mise en oeuvre.