Des diamants de première qualité de l'entreprise Polar Ice Diamond, de Montréal, ont mystérieusement disparu, l'automne dernier. Les pierres précieuses ont une valeur avoisinant les 7,5 millions de dollars.

Cette curieuse histoire s'est retrouvée devant les tribunaux, au cours des dernières semaines. Elle a été mise au jour après que la banque ABN Amro, de New York, ait mis l'entreprise Polar Ice sous séquestre, en novembre, en vertu de la Loi sur la faillite.

Polar Ice Diamond et ses affiliées sont détenues par les familles Drazin et Basal, de Montréal. Jusqu'en novembre, l'entreprise fabriquait des bijoux et faisait le commerce de diamants. Avant 2010, Polar faisait aussi la coupe et le polissage de diamants à ses usines de Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest, soit près des gisements.

En 2008, la banque ABN Amro a fait un prêt à Polar en échange de garanties, constituées notamment des pierres précieuses de l'entreprise. L'automne dernier, la banque avait ainsi prêté 21,6 millions de dollars à Polar Ice.

Devant les difficultés financières de Polar, ABN a pris le contrôle de l'entreprise avec le séquestre RSM Richter. Or, en faisant l'inventaire des biens de Polar, l'institution financière a constaté qu'il manquait l'équivalent de 7,5 millions de dollars de diamants.

Transaction sans reçu

«Extrêment inquiète», la banque a questionné le vice-président de Polar, Ronen Basal. L'homme d'affaires leur a dit qu'il avait transféré des diamants d'une valeur de 6 millions au financier Alain Cormier ou à son entreprise Gestion Bancan. Les diamants auraient été donnés en garantie d'un prêt de 3,5 millions, mais la transaction a été faite «sans reçu, mémo ou documentation», est-il écrit dans une requête en Cour supérieure.

«Il appert que Bancan et Cormier n'ont pas agi de bonne foi en aidant Basal à déposséder l'entreprise et la banque de ses actifs», soutient RSM Richter.

Fouille des locaux

Avec l'autorisation de la Cour, RSM Richter a fouillé les locaux de Bancan, au 6500, boulevard Saint-Laurent, mais n'y a rien trouvé.

Après la fouille, Alain Cormier a affirmé devant la Cour qu'il n'avait jamais eu ces diamants. Qui plus est, fait-il valoir, Ronen Basal ne veut pas faire de témoignage officiel à ce sujet et la banque n'a aucun document sérieux à l'appui de ses dires.

Alain Cormier a pourtant bien versé des millions de dollars à Ronen Basal ou à Polar Ice, selon les documents produits par la banque. Alain Cormier a toutefois répliqué en Cour que les fonds ont été versés en vertu d'un prêt fait directement à Ronen Basal en octobre 2010, prêt qui a été fait sans garantie apparente.

Des relations d'affaires de longue date

Les familles Basal et Cormier font des affaires ensemble depuis plusieurs années, a-t-on appris. Les locaux d'Alain Cormier sont dans le même immeuble que ceux de Création Paul H. Bijouterie, propriété de Paul Cormier.

Au cours des dernières années, Alain Cormier a été actif à Montréal comme prêteur non traditionnel. Il fait des prêts hypothécaires de deuxième rang à des particuliers moyennant des taux avoisinant parfois les 40%, selon des actes notariés que nous avons obtenus.

Les avocats d'Alain Cormier, de Ronen Basal et du séquestre RSM Richter n'ont pas voulu commenter cette affaire. À la fin janvier, les diverses procédures judiciaires ont été mises sur la glace. Des négociations à l'amiable se poursuivent entre la banque ABN et les familles Basal et Drazin, selon nos informations. Un acheteur serait sur les rangs pour le reste des biens de Polar Ice.

En plus de la banque, des fournisseurs réclament l'équivalent de 8,4 millions de dollars de diamants qu'ils avaient vendus à Polar Ice ou placés en consigne. Figurent aussi parmi les créanciers le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest (5,6 millions US) et la Banque de développement du Canada (0,7 million). Ils partagent comme garantie l'un des immeubles de l'entreprise, à Yellowknife.