Malgré les critiques d'observateurs et de certains lock-outés, la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau, rejette pratiquement toute forme de blâme dans sa gestion du conflit au Journal de Montréal. Elle estime que son syndicat a commis une seule faute: le dévoilement des résultats du vote samedi dernier. Les médias avaient appris quelques minutes avant les lock-outés le résultat du vote - entente acceptée à 64,1%.

Il s'agit d'un bête problème de communication au sein de l'équipe de communication de la CSN, indique-t-elle. «On est très, très désolés de ça.» Pour le reste, Mme Carbonneau ne reconnaît pas d'erreur. Elle a fait «tout ce qu'elle avait à faire».

Les lock-outés voulaient moderniser le Code du travail, qui interdit à un tiers de travailler dans le local de l'employeur pour remplacer un syndiqué durant un conflit. C'est ce qu'on appelle la notion d'établissement, élaborée en 1977, avant internet. Le Journal de Montréal contournait cette notion avec des sous-traitants qui envoyaient leur travail par ordinateur. Par exemple, une décision de la Commission des relations du travail confirmait en janvier dernier que le Journal sous-traitait une partie de sa mise en page à Côté Tonic, une firme de Québec.

Comme les lock-outés, Mme Carbonneau disait vouloir changer la notion d'établissement. Mais certains observateurs l'accusent d'avoir plutôt nui en coulisses à ces discussions, par crainte que le patronat ne profite de l'ouverture du Code pour demander des amendements qui nuiraient aux syndicats. «C'est complètement faux, répond Mme Carbonneau. (...) On peut ouvrir le Code du travail pour modifier un seul amendement. C'est d'ailleurs ce qui est arrivé lors des récentes modifications.»

Le Conseil du patronat et la Fédération des chambres de commerce du Québec ont pourtant toujours clairement indiqué qu'ils profiteraient de l'ouverture du Code pour présenter leurs demandes. Et l'automne dernier, le cabinet de la ministre du Travail, Lise Thériault, prévenait même que le gouvernement n'ouvrirait pas le Code seulement dans le simple  «objectif de régler un conflit de travail». Malgré tout, Mme Carbonneau persiste à dire qu'une telle chose serait politiquement possible.

Une commission parlementaire spéciale sur la disposition anti-briseur de grève s'est déroulée le mois dernier à Québec. Hier, l'attaché de presse de la ministre Thériault, Harold Fortin, expliquait que le sujet restait à l'étude, sans être en mesure de donner un échéancier. Interviewé à ce sujet vendredi dernier, le premier ministre Charest s'est contenté de dire qu'il fallait respecter la loi.

De retour du Sahara

En juillet 20099, des lock-outés s'introduisaient de force dans les locaux de leur employeur. Cela leur a valu des mises en demeure. Claudette Carbonneau avait seulement réagi par voie de communiqué, plus d'une journée après l'envoi. On le lui a reproché hier. «J'étais en avion, je revenais de vacances au Sahara, se défend-elle. Même les gens qui occupent une fonction importante ont le droit à des vacances.»

Elle rappelle que la CSN a injecté 7 millions $ pour aider les lock-outés, tout en respectant l'autonomie de négociation du syndicat du Journal de Montréal. «De tous nos syndicats, celui qui est le plus jaloux de son autonomie, c'est celui du Journal de Montréal

Mme Carbonneau qualifie le règlement de samedi dernier «d'extrêmement décevant». Mais en même temps, elle se félicite des «gains» depuis l'offre précédente de Quebecor, rejetée à 89,3% en octobre dernier. Le nombre de postes offerts est passé de 49 à 62, sur un total de plus de 250 postes avant le lock-out. Cela signifie qu'environ trois salariés sur quatre ne retrouveront pas leur emploi. «Nous avons aussi obtenu un redressement pour les régimes de retraite, et nous avons fait enlever la clause de non-concurrence qui interdisait de travailler pour Rue Frontenac ou un autre média (La Presse).»