L'embrasement du monde arabe et la flambée des cours de l'or noir qui en résulte compliquent le travail des autorités monétaires.

Cela donne une raison de plus à la Banque du Canada pour poursuivre sa pause dans la normalisation de sa politique monétaire. Elle va sans aucun doute reconduire son taux directeur à 1%, demain, pour la quatrième fois d'affilée. La dernière hausse de 0,75% à 1% remonte à septembre.

Le Canada est un exportateur net de pétrole et de ses dérivés (à hauteur de 31 milliards l'an dernier). La hausse de son cours gonfle les coffres des provinces productrices et d'Ottawa, mais stimule aussi le huard qui a franchi la barre des 102 cents américains vendredi. Pareil niveau nuit aux fabricants exportateurs alors que les livraisons internationales de biens canadiens ne se sont pas encore rétablies aux niveaux d'avant la récession.

Vient aussi un point où la flambée du pétrole exerce une ponction trop forte sur le budget des ménages. Cela est d'autant plus vrai pour les Américains puisqu'ils ne bénéficient pas de l'appréciation de leur monnaie pour amortir le choc. Pour nourrir leurs voitures, ils sacrifieront d'autres dépenses de consommation. Ils sont aussi aux prises avec une poussée des prix des aliments.

Il reste à trouver à quel prix le pétrole nuit davantage aux exportations canadiennes qu'il ne les stimule.

Peut-être la Banque du Canada voudra-t-elle signaler que le brut s'ajoute désormais aux risques globaux à son scénario de croissance, au même titre que la dette souveraine européenne, la solidité de la reprise américaine et la trop grande robustesse du huard.

Depuis le 18 janvier, date précédente de fixation du taux directeur, il y a eu peu de nouveau sur le front de la dette.

On a appris en revanche que l'économie américaine avait quelque peu ralenti, du troisième au quatrième trimestre. Vendredi, les autorités américaines ont ramené de 3,2% à 2,8% leur estimation de la croissance annualisée durant l'automne. Ce chiffre est suffisant pour officialiser l'entrée de l'économie américaine en phase d'expansion, après six longs trimestres de reprise.

Le marché de l'habitation a cependant poursuivi sa correction en début d'année alors que le marché du travail déçoit toujours et que le Congrès s'apprête à paralyser le fonctionnement de l'État au cours des prochains jours. Bref, le premier trimestre pourrait aussi être décevant.

Compter sur la vigueur de la croissance des exportations canadiennes en décembre pour réviser sensiblement à la hausse le scénario de croissance de l'économie canadienne peut paraître hardi dans pareil contexte. La Banque s'en tient pour l'instant à 2,4% pour 2011.

Elle rendra en outre sa décision au lendemain de la publication par Statistique Canada des comptes nationaux pour le quatrième trimestre. Sa prévision est de 2,3% de croissance réelle, ce qui serait une nette amélioration après le chétif 1% du troisième trimestre.

Plusieurs économistes jugent cette prévision cependant bien faible, sur la foi du rebond des exportations de décembre, dopées par une forte poussée des livraisons de pétrole.

Pourtant, seul novembre a été un bon mois de croissance, octobre ayant été modeste à 0,2% alors que septembre n'a fourni aucun élan pour l'automne, avec un recul de la production de biens et services.

Si les optimistes ont raison, alors l'économie canadienne fonctionnera à pleine capacité bien avant la fin de 2012, comme le prévoit la Banque. Ils prédisent donc que la normalisation du taux directeur reprendra au printemps, peut-être même dès la prochaine annonce, le 12 avril.

Si le scénario de la Banque tient la route, les pressions inflationnistes ne reprendront pas de sitôt, malgré la flambée du pétrole. Son prix n'est pas pris en compte dans l'indice de référence qui sert à mesurer les tendances inflationnistes en excluant huit biens volatiles, dont l'or noir.

Les autorités monétaires auront tout le loisir d'attendre que la Réserve fédérale indique quand elle amorcera sa propre normalisation. Son taux directeur oscille entre 0% et 0,25% depuis décembre 2008. Ce n'est qu'en juin qu'elle doit mettre fin à la deuxième phase de détente quantitative. Certains estiment qu'une troisième phase n'est pas à exclure.

D'ici là, avec le statu quo, tout baigne pour la Banque du Canada.