Research in Motion prend goût au risque. Le fabricant ontarien du BlackBerry a lancé hier son deuxième fonds de capital-risque destiné aux petites boîtes en démarrage. Au Québec, pendant ce temps, les géants technologiques sont pratiquement absents de ce type de financement... à l'exception notable du secteur des technologies vertes.

En collaboration avec une vingtaine d'autres investisseurs, Research in Motion (RIM) deviendra l'investisseur principal du BlackBerry Partners Fund II, fonds de 150 millions US destiné à soutenir les nouvelles idées dans les technologies mobiles. RIM avait lancé un premier fonds de la même taille en 2008.

«Nous sommes très satisfaits de l'impact positif du premier fonds sur notre écosystème des technologies mobiles et nous avons hâte de voir le BlackBerry Partners Fund II amener des ressources additionnelles et du soutien aux innovateurs», a déclaré hier Jim Balsillie, cochef de la direction de RIM.

Outre RIM, peu de grandes entreprises technologiques canadiennes participent au financement des plus petites. L'autre exemple principal est le géant ontarien des télécommunications Rogers, qui a créé son propre bras de capital-risque doté d'une équipe de gestion interne.

«C'est une pratique assez généralisée aux États-Unis, mais pas au Canada, confirme Chris Arsenault, associé principal du fonds de capital-risque québécois iNovia. J'aimerais beaucoup voir nos grandes sociétés québécoises et canadiennes devenir des investisseurs actifs. Je pense que ça leur apporterait des avantages incroyables.»

Pour une grande entreprise, miser de l'argent sur les petites boîtes les plus prometteuses permet d'espérer des retours intéressants, mais surtout de rester à l'affût des tendances, croit M. Arsenault.

«Tu vois les technologies. Et à un moment donné, pouf. Tu vois passer quelque chose et tu dis: lui, je veux l'acheter», illustre-t-il.

C'est exactement ce qui est arrivé à RIM. Worldmate, par exemple, est une application offerte sur le BlackBerry qui permet aux utilisateurs de gérer leurs voyages (avion, hôtel, réservation d'auto) avec un seul outil. Or, la technologie a été mise au point par une boîte israélienne financée par le premier fonds de BlackBerry.

Au Québec, les grandes entreprises technologiques sont pourtant peu actives en capital-risque. Bell Canada a déjà eu un bras de capital-risque, BCE Capital, mais celui-ci est devenu indépendant en 2007 et a pris le nom de Summerhill Venture Partners. BCE continue cependant d'y investir.

Jacques Bernier, associé principal de Teralys - plus gros réservoir de capital-risque au pays - aimerait bien voir les CGI et Vidéotron de ce monde participer au financement des petites boîtes.

«On n'est pas pire qu'ailleurs, tempère-t-il. Mais dans une vision où l'on veut tourner l'économie du Québec vers l'innovation, les grandes sociétés devraient prendre une part plus active.»

En misant dans des fonds existants avec des coinvestisseurs, les entreprises québécoises n'auraient pas à débloquer de grosses sommes pour jouer un rôle actif, croit Chris Arsenault.

«Que la somme soit de 5 millions ou de 25 millions, ça importe peu. Dans tous les cas, ça te permet de te rapprocher du milieu.»

En fait, l'exemple à suivre existe peut-être au Québec. Et il faut regarder du côté des technologies vertes pour le trouver.

Cycle Capital, seul gestionnaire québécois de fonds de capital-risque dédié au secteur, ne compte pas moins de sept industriels parmi ses investisseurs, dont Cascades, Rio Tinto Alcan et Gaz Métro.

«Les industriels, ça fait partie de ma vision depuis le début, dit Andrée-Lise Méthot, associée principale de Cycle Capital. Mais il a fallu une détermination incroyable pour convaincre ces gens-là d'embarquer.»

Alain Lemaire, président et chef de la direction de Cascades, confirme qu'il a eu beaucoup de difficulté à convaincre son conseil d'administration de se lancer dans le capital-risque.

«On le fait par sens du devoir, pour redonner à la société, dit-il. Pour l'instant, il n'y a pas eu d'impact direct pour nous apporter de nouvelles solutions d'affaires. Mais ça nous fait réfléchir, ça nous fait regarder ailleurs. On espère que ça va produire des retombées plus tard.»