Le syndicat du Journal de Québec se prépare déjà à un deuxième lock-out pour 2013. «J'entends même des cadres me dire: je vais prendre ma retraite d'ici là. Je ne me taperai pas un autre lock-out», raconte Denis Bolduc, président du syndicat de la rédaction.

Le dernier conflit de travail a duré 16 mois. Il s'est terminé en août 2008 avec la signature d'une convention collective valide jusqu'en 2013. «Mais dès janvier 2009, on a compris qu'il faudrait se battre pour faire respecter l'entente», a dit M. Bolduc.

Il soutient que les clauses sur la signature des textes, sur le travail multiplateforme et sur la zone de couverture de l'actualité locale par les employés du Journal de Québec ne seraient pas respectées. De plus, la mise en page serait maintenant faite en partie par Canoë. M. Bolduc ajoute que le syndicat attend toujours une décision arbitrale pour faire reconnaître que le surplus actuariel de la caisse de retraite (4,3 millions de dollars) revient aux travailleurs. Il affirme qu'il y a eu un «nombre record» de griefs depuis la fin du conflit. «On se demande comment ça va être dans deux ans. Tout le monde se pose la question, chez nous. C'est comme s'ils se préparaient à nous remettre à la rue», a-t-il lancé.

Quebecor a réagi par courriel hier en fin d'après-midi: «Les propos de M. Denis Bolduc sont dénués de tout fondement. Pour en saisir le non-sens, qu'il me suffise de mentionner que la convention collective au Journal de Québec ne prendra fin qu'en août 2013», a répondu J. Serge Sasseville, vice-président aux affaires corporatives et institutionnelles de Quebecor.

PKP et le perfect lock-out

Pierre Karl Péladeau a-t-il créé le perfect lock-out au Journal de Montréal? C'est ce que croient plusieurs observateurs, a dit hier le député libéral François Ouimet, qui préside la commission parlementaire sur les dispositions anti-briseurs de grève du Code du travail. Il s'est demandé si l'agence QMI est un «stratagème» créé pour remplacer des syndiqués mieux payés et contourner l'esprit de la loi. Il demande surtout si le patron de Quebecor a intérêt à régler le lock-out puisqu'il épargne en masse salariale tout en maintenant le tirage de son journal.

M. Péladeau a commencé sa présentation en déplorant que la commission «s'immisce» dans un «conflit privé». Le lock-out s'inscrit dans le contexte des bouleversements que traversent les médias écrits. Il ne devrait donc pas servir de prétexte pour amender le Code du travail, a-t-il plaidé.

Actuellement, en cas de grève ou de lock-out, la loi interdit à un employeur de faire travailler des salariés dans ses locaux pour remplacer les lock-outés ou les grévistes. Cette notion, dite «d'établissement», date de 1977, donc de bien avant l'arrivée de l'internet et du travail à distance.

Selon le syndicat des travailleurs de l'information du Journal de Montréal (STIJM), Quebecor contourne aujourd'hui l'esprit de cette loi. Son président, Raynald Leblanc, soutient que le Journal fait faire son infographie par la boîte Côté Tonic, sa comptabilité à Saint-Jérôme, sa page «5 minutes» à Paris et sa révision linguistique à Québec et à Blainville. Cela prouve que la notion d'établissement est devenue désuète, soutient-il. Le syndicat propose de la changer pour tout simplement interdire le travail d'un tiers.

M. Péladeau, le Conseil du patronat et la Fédération des chambres de commerce du Québec répliquent que la loi favorise déjà les syndicats et que la proposition de M. Leblanc augmenterait ce déséquilibre. Cela effraierait les investisseurs étrangers et pénaliserait les entreprises locales. François Bonnardel, le seul adéquiste de la commission parlementaire, est de leur avis.

Raynald Leblanc croit que Quebecor s'est servi du conflit de travail pour «tester» un nouveau modèle d'affaires. Le lock-out serait devenu la «norme» chez Quebecor. Dans les dernières années, plus de 800 000 jours de travail auraient été perdus à cause de lock-out dans les différentes entreprises de Quebecor.

La ministre du Travail, Lise Thériault, n'a pas voulu participer à la commission, dont les membres ont par ailleurs refusé de permettre à Amir Khadir, qui n'en est pas membre, d'y participer.