Que faire avec plus d'argent dans ses poches ou dans son compte en banque?

La plupart des économistes qui ont évalué l'impact du stimulus fiscal adopté en fin d'année par le Congrès américain ont misé sur une consommation accrue des ménages et une accélération des investissements des entreprises. Conséquents, ils ont donc augmenté de 0,8 à 1 point de pourcentage leur scénario de croissance de l'économie américaine en 2011.

Ainsi, la Banque du Canada a porté sa prévision de 2,3% à 3,3% dans son Rapport sur la politique monétaire publié avant-hier, malgré le fait que «l'investissement résidentiel s'est fortement replié au deuxième semestre de 2010».

Les données de décembre pour le marché de la revente publiés hier ont agréablement surpris les experts avec un bond de 12,3% du nombre de transactions. Il n'en demeure pas moins que le prix médian a reculé et qu'il accuse un repli de 1% en un an.

En outre, compte tenu du nombre de propriétés sur le marché et du nombre de transactions de décembre, il faudrait 8,1 mois pour que chaque habitation trouve preneur.

En fait, c'est bien davantage, puisque bon nombre de propriétés saisies par les institutions financières n'ont pas été remises sur le marché, ce qui porte à bien au-delà d'un an le temps nécessaire pour écouler le stock actuel en supposant qu'aucun vendeur ne se manifeste dans l'intervalle, ce qui paraît invraisemblable.

«Dans ces conditions, pourquoi augmenter les mises en chantier?» demande Derek Holt, économiste chez Scotia Capitaux dans une étude où il soupèse les effets du stimulus fiscal sur la croissance.

D'entrée de jeu, il se campe du côté de ceux, minoritaires, qui croient que les intervenants des marchés font preuve d'un excès d'optimisme. Les consommateurs ne sont pas cette fois-ci d'humeur à dépenser tout supplément d'argent qui leur tombe dans les poches, argue-t-il. Ils ne changeront pas de comportement avant un redressement palpable des marchés de l'habitation et du travail.

Or, le prix moyen des maisons est toujours en deçà de 30% de son sommet de 2006, tandis que le nombre d'heures travaillées a augmenté de seulement 0,9%, de juillet à décembre, et que moins d'un quart des emplois détruits par la récession ont été recréés. Dans ces conditions, on ne sera pas étonné que les emprunts sur les marges de crédit hypothécaire ne sont pas à l'ordre du jour.

Puiser dans les épargnes des derniers mois ne pourra non plus stimuler la consommation encore longtemps, ni relancer le marché de l'habitation.

La masse d'obligations gouvernementales et d'entreprises qui arrive à terme cette année est beaucoup plus considérable qu'en 2010. À lui seul, le gouvernement américain doit financer 2500 milliards US. Les acheteurs d'obligations vont exiger des rendements accrus, ce qui se répercutera aussi sur le coût des emprunts hypothécaires.

«Nous sommes d'avis que la situation fiscale américaine emprunte la même voie que celle de pays comme le Canada dans les années 80 et 90, affirme M. Holt. Cela va limiter le crédit et éventuellement la croissance. La situation va se détériorer avant de se stabiliser.»

Cela va aussi amener les entreprises américaines dont les coffres regorgent de liquidités à jouer de prudence et à conserver de solides réserves.

Bref, la convalescence va durer encore plusieurs années avant que le grand patient américain, dont le poids représente toujours le quart de l'économie mondiale, ne soit pleinement rétabli.