Renforcer les brevets sur les médicaments: c'est ce que réclame l'industrie pharmaceutique canadienne dans une nouvelle offensive qui fait bondir les fabricants de médicaments génériques.

Disant en avoir marre de voir les médicaments moins bien protégés au Canada qu'aux États-Unis ou en Europe, la Chambre de commerce du Canada remettra aujourd'hui un rapport au gouvernement fédéral lui demandant de donner du mordant à son régime de propriété intellectuelle dans le secteur pharmaceutique.

«Alors que l'on vogue vers l'économie du savoir, l'un des éléments-clés de la compétitivité des entreprises canadiennes est la protection de la propriété intellectuelle. Or, le régime canadien est désuet», a dit à La Presse Affaires le président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Canada, Perrin Beatty.

Le débat, loin d'être nouveau, a fait fortement réagir les fabricants de médicaments génériques. Ceux-ci craignent de devoir attendre plus longtemps avant de pouvoir commercialiser leurs copies bon marché si les brevets des médicaments d'origine sont renforcés. Ils brandissent le spectre de hausses de coûts pour le système de santé si les demandes de leurs concurrents sont entendues.

«La Chambre de commerce fait écho aux lamentations du lobby des entreprises de médicaments d'origine», déplore Jeff Connell, vice-président aux affaires corporatives de l'Association canadienne du médicament générique.

M. Beatty ne le cache pas: la Chambre de commerce, qui ne compte aucun fabricant de médicaments génériques parmi ses membres, a clairement pris position.

«Notre position a toujours été en faveur de l'innovation et de la protection de la propriété intellectuelle, et ce, dans tous les domaines. Nous croyons qu'il s'agit du segment de l'industrie qui renferme le plus de potentiel pour l'avenir», dit-il.

La Chambre réclame que les données scientifiques recueillies auprès des patients soient mieux protégées et que les sociétés innovatrices puissent porter en appel certaines décisions juridiques les opposant aux fabricants de génériques. Elle veut aussi que le temps pendant lequel les médicaments sont étudiés par les autorités réglementaires ne soit pas comptabilisé dans la période de protection accordée par un brevet.

Montréal Invivo, la grappe des sciences de la vie de la région montréalaise, approuve ces demandes.

«On veut s'assurer d'avoir un environnement commercial et réglementaire compétitif. Actuellement, le régime canadien se compare défavorablement à ceux de l'Europe et des États-Unis», dit Michelle Savoie, directrice générale.

Les demandes de l'industrie surviennent alors que les pharmaceutiques ont fortement réduit leur infrastructure de recherche au pays l'an dernier, comme l'illustre la fermeture du complexe de Merck à Kirkland l'été dernier.

Mélanie Bourassa Forcier, professeur de droit pharmaceutique à l'Université de Sherbrooke, croit qu'il est dangereux de croire que les investissements en recherche reviendront par magie si on renforce les lois sur la propriété intellectuelle comme le prétend l'industrie. Elle concède toutefois que le régime de protection canadien est plus faible qu'aux États-Unis et en Europe.

«Le gouvernement doit utiliser son pouvoir de négociation, croit-elle. Il devrait renforcer son régime de protection, mais exiger en retour un engagement renouvelable et contraignant de la part de l'industrie d'investir davantage en recherche et développement.»