Le Québec amorce la nouvelle décennie avec autant d'atouts que de défis.

Au nombre des premiers, il a plus que retrouvé les emplois perdus durant la récession et renoué, bien que timidement, avec l'expansion économique.

Parmi les seconds, on note le déclin démographique, la difficulté à recruter et embaucher des immigrants pourtant compétents, une ponction fiscale et un service de la dette plus lourds que chez nos voisins alors qu'il lui faut retrouver l'équilibre budgétaire.

Il est évidemment question de ces enjeux et de bien d'autres encore dans Le Québec économique 2010 officiellement lancé aujourd'hui. L'ouvrage collectif sous la direction de Marcellin Joanis et Luc Godbout, dont une première mouture avait paru alors que le Québec était plongé en récession, brosse en 13 chapitres et 50 fiches thématiques un portrait sans fard du Québec socio-économique d'aujourd'hui.

Les travaux récents du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO) qui coédite l'ouvrage sont synthétisés par leurs auteurs en articles regroupés autour de quatre thèmes: le capital humain, le capital physique, le progrès technologique et le rôle de l'État dans la croissance économique.

D'entrée de jeu, la table est mise avec les projections économiques du ministère des Finances jusqu'en 2025. «Les améliorations prévues au regard du marché du travail et de la productivité ne compenseront qu'en partie les impacts du ralentissement de la croissance de la population et de son vieillissement», nous met-on en garde.

Le dernier chapitre, que signent Claude Castonguay et Mathieu Laberge, apporte une réponse partielle à cette problématique en incitant le Québec à se doter d'une politique de «vieillissement actif». Après tout, n'est-ce pas ici que l'âge moyen de la retraite est parmi les plus bas: 59,5 ans chez les femmes et 59,9 ans chez les hommes, ce qui est moins que la moyenne canadienne et des pays de l'OCDE?

Le marché du travail fait l'objet d'autres analyses éclairantes. Celle de Brahim Bourdarbat et Maude Boulet met en lumière la sous-utilisation des compétences des immigrants, tandis que celle Claude Montmarquette allume un feu jaune quant au danger d'un salaire minimum qui se rapproche trop du salaire médian de la cohorte des 15-24 ans. Pour freiner le décrochage scolaire, il préconise un salaire minimum plus faible pour les 15-19 ans, comme le fait l'Ontario.

On ne peut aborder l'école sans évoquer le financement des universités. Clément Lemelin analyse cet épineux dossier sous toutes ses coutures. Il tire plusieurs conclusions pertinentes qui risquent de faire l'unanimité... contre lui. Ainsi, tout en affirmant que les étudiants forment un groupe favorisé «tant par leur origine que par leur avenir», il préconise une modulation et une augmentation des droits de scolarité, «mais pas nécessairement» leur déréglementation.

Cette position nuancée va quelque peu à l'encontre de celle de Robert Lacroix. Dans un vigoureux plaidoyer pour la recherche universitaire qu'il voit comme un moteur de la croissance économique, il préconise une autonomie plus grande des universités et la diversification de leurs sources de financement qui inclut la déréglementation des droits de scolarité.

De son côté, Luc Savard analyse les dépenses publiques en infrastructures susceptibles de stimuler l'investissement privé (universités, ports, voies de communication, hôpitaux) et celles qui risquent de le freiner (on pense à des installations olympiques...)

Justin Leroux décortique la tarification du réseau routier. Il fait ressortir que la taxe sur l'essence comporte deux objectifs: faire payer la pollution et l'usure du réseau. Ils devront être distingués à mesure que les voitures hybrides ou électriques gagneront en popularité. Si elles polluent moins, elles usent tout autant la chaussée et ce coût n'est pas pris en compte si on se contente de taxer le carburant.

L'ouvrage consacre aussi une monographie sur les biotechnologies et l'hécatombe que leur a fait subir la dernière récession.

On aurait pu souhaiter d'autres analyses sur les problématiques forestière et manufacturière. Ce sera peut-être le cas dans une prochaine édition.

L'ouvrage n'est pas muet pour autant sur cette dernière question. Parmi la cinquantaine de fiches thématiques qui constituent sa seconde partie, plusieurs tableaux synthèses apportent une foule de renseignements très utiles.

On y met aussi en exergue un trait marquant de chacune des régions administratives du Québec. Tous les tableaux renvoient au site lequebececonomique.cirano.qc.ca qui sera mis à jour régulièrement.

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Le Québec économique 2010 - Vers un plan de croissance pour le Québec. Collectif. Sous la direction de Marcellin Joanis et Luc Godbout. CIRANO et PUL. Québec. 421 pages.