Au grand écran, dans le film The Social Network, l'affaire semblait réglée. Dans la vraie vie, les démêlés judiciaires entre Facebook et les jumeaux Cameron et Tyler Winklevoss sont loin d'être terminés.

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Les anciens collègues de Mark Zuckerberg à Harvard le retrouvent en cour aujourd'hui à San Francisco. Les jumeaux Winklevoss tentent de faire annuler leur règlement à l'amiable conclu avec Facebook en 2008. L'entente vaudrait aujourd'hui 160 millions US. Selon leurs calculs, les jumeaux Winklevoss auraient plutôt dû obtenir 500 millions US parce que les actions obtenues ont été surévaluées.

Les jumeaux Winklevoss estiment être les véritables fondateurs de Facebook, avec leur ami Divya Narendra. À l'automne 2003, le trio d'étudiants de Harvard a demandé à Mark Zuckerberg de programmer leur site de réseautage Harvard Connection (renommé ConnectU).

En février 2004, Mark Zuckerberg a plutôt lancé avec d'autres amis TheFacebook, l'ancêtre de Facebook.

Quelques mois plus tard, Facebook et les Winklevoss se sont retrouvés en cour - un litige qui a inspiré plusieurs scènes du film The Social Network, l'un des favoris de la prochaine soirée des Oscars. Coïncidence: le film sort en DVD aujourd'hui, le même jour où Facebook et les jumeaux Winklevoss se retrouvent devant la Cour d'appel américaine du 9e district, à San Francisco.

En vertu d'une entente à l'amiable en 2008, les Winklevoss ont obtenu 20 millions US en argent et 45 millions US en actions de Facebook. Mais, six ans plus tard, ils veulent déchirer leur entente, qui vaudrait aujourd'hui 160 millions US en raison de l'appréciation de la valeur de leurs actions de Facebook.

Le litige: des actions sous-évaluées

Pour les jumeaux Winklevoss, c'est à la fois une histoire de principe et d'affaires. En 2008, les deux parties ont calculé le nombre d'actions octroyé aux Winklevoss en évaluant l'action de Facebook à 35,90$US sur la base d'un investissement de Microsoft cinq mois auparavant. Les Winklevoss ont ainsi reçu 1,25 million d'actions de Facebook, pour une valeur totale de 45 millions US comme convenu.

Mais voilà: peu avant la conclusion du règlement à l'amiable, le conseil d'administration de Facebook aurait reçu les conclusions d'un expert qui évaluait plutôt l'action de Facebook à 8,88$US. Selon cette évaluation, les Winklevoss auraient dû recevoir un nombre d'actions quatre fois plus élevé. Facebook n'a pas divulgué cette information aux Winklevoss, qui assimilent cette omission à de la fraude. «Nous n'avons pas reçu ce sur quoi nous nous étions entendus», a dit Cameron Winklevoss au New York Times le mois dernier.

Si les tribunaux leur donnent raison, les jumeaux Winklevoss pourraient déchirer leur entente à l'amiable dans laquelle ils ont renoncé à obtenir la paternité de Facebook. Ils pourraient ensuite déposer une nouvelle poursuite contre Facebook, soit pour prendre le contrôle du réseau social ou, plus probable, pour conclure une deuxième entente à l'amiable plus lucrative. Ils pourraient aussi tout perdre.

«Le principe, c'est qu'ils (Facebook) ne se sont pas battus de façon juste. Le principe, c'est que Mark a volé notre idée», a dit Tyler Winklevoss au New York Times.

La version de Facebook, qui a prévalu en cour à quelques reprises, est très différente. Facebook soutient ne pas avoir agi illégalement en ne dévoilant pas son évaluation de 8,88$US l'action aux Winklevoss. D'autant plus que cette évaluation, l'une parmi tant d'autres, était disponible dans les registres publics de l'entreprise. «Il n'y a aucune chance que cette évaluation ait affecté la décision de ces investisseurs sophistiqués (les Winklevoss) et leurs conseillers», écrit Facebook dans son mémoire à la cour. Facebook fait valoir que les Winklevoss ont des remords et souffrent du «syndrome de l'entente à l'amiable».

Les jumeaux Winklevoss se retrouvent aussi devant les tribunaux contre leurs propres avocats qui ont négocié l'entente à l'amiable avec Facebook. Ils les accusent de faute professionnelle et refusent de payer leur facture de 13 millions US.

La vie sans Facebook

Même si le feuilleton judiciaire continue, les jumeaux Winklevoss ne vivent pas dans le passé. Ils ne se demandent pas continuellement ce que leur vie serait devenue si Marc Zuckerberg avait travaillé avec eux pour lancer le site Harvard Connection. Athlètes et étudiants accomplis, ils ont obtenu une sixième place en aviron à deux aux Jeux olympiques de Pékin et terminent un MBA à Oxford. Cameron est l'un des fondateurs de GuestofaGuest.com, un site web sur la vie mondaine de New York et de Los Angeles. «Nous voulons avancer dans la vie et devenir des personnes productives», dit-il au New York Times.

Depuis la sortie du film The Social Network, leur popularité a explosé. Ces temps-ci, avec la reprise du feuilleton judiciaire cet après-midi à San Francisco, ils tentent d'être discrets. «Nous préférons ne pas faire de commentaires sur l'audience», a indiqué Cameron Winklevoss par courriel à La Presse Affaires.

Pour les Winklevoss, la tentation de régler à l'amiable avec Facebook est très forte. Mais, en date d'hier, la cause devait toujours être entendue cet après-midi à San Francisco. Les jumeaux Winklevoss gardent confiance que les tribunaux leur donneront éventuellement raison. «Mark Zuckerberg ne devrait pas pouvoir s'en tirer en ayant agi de cette façon», a dit Cameron au New York Times.