Le coeur de la communauté financière balançait entre enthousiasme et doute après la divulgation de chiffres sur la rentabilité du site internet de socialisation Facebook, qui pourrait entrer en Bourse l'an prochain.

Une note distribuée aux acheteurs potentiels de parts dans Facebook vendues par la banque d'affaires Goldman Sachs laisse entendre que le géant émergent de l'internet a dégagé cette année environ un demi-milliard de dollars de bénéfices pour un chiffre d'affaires de près de deux milliards.

«Le document parle de 355 millions de dollars de bénéfice opérationnel pour 1,2 milliard de dollars sur neuf mois», explique l'analyste Lou Kerner, de la maison de courtage Webbush Securities, qui détient des titres Facebook.

«Nous savons qu'ils ont augmenté significativement leur chiffre d'affaires et estimons donc qu'il devait approcher 2 milliards de dollars à la fin 2010», ajoute-t-il, et «nous avons été surpris par leur niveau de rentabilité à ce stade de leur croissance».

D'après lui, au fur et à mesure que Facebook va grandir et réaliser des économies d'échelles, sa rentabilité, qui «tourne pour l'instant autour de 30%, devrait selon une prévision prudente atteindre les 40%» et «pourrait ainsi dépasser celle de géants de l'internet comme Google».

Le site de socialisation gagne de l'argent en vendant des encarts publicitaires sur ses pages et grâce aux «Facebook credits», une monnaie virtuelle grâce à laquelle, contre paiement par carte de crédit, les internautes peuvent acheter divers jeux et applications.

D'après M. Kerner, le site prend de confortables commissions de 30% sur cette monnaie virtuelle.

Les médias américains ont révélé cette semaine que Goldman Sachs avait injecté 450 millions de dollars dans Facebook et que la firme d'investissement russe Digital Sky Technologies y avait placé 50 millions de dollars.

La banque, star de Wall Street mais aussi considérée comme l'une des principales responsables de la crise financière, revend par ailleurs pour 1,5 milliard de dollars de parts à certains clients.

Cette transaction valorise le site à 50 milliards de dollars, soit plus que des géants réalisant un chiffre d'affaires bien plus élevé, comme Time Warner.

Selon M. Kerner, les actions s'échangent «depuis longtemps en privé, et leur cours approchait dernièrement une valorisation de 60 milliards de dollars. Goldman Sachs a donc eu droit à une décote», fait-il valoir.

Gregori Volokhine, directeur de Meeschaert New York, se montre circonspect. «Le niveau des marges ne l'étonne pas car «c'est un secteur où les frais ne sont pas énormes, ce n'est pas de l'industrie lourde».

Mais «une valorisation de 50 milliards de dollars pour 500 millions de dollars de bénéfices, c'est payer ces bénéfices cent fois, alors que pour une entreprise déjà cotée comme Google on ne paie que 21 fois les bénéfices», remarque-t-il.

«Il faut qu'ils transforment rapidement les 500 millions de bénéfices en trois ou quatre milliards», ajoute-t-il.

Le New York Times affirmait jeudi que des parts de Facebook avaient été proposées en interne au fonds d'investissement maison de Goldman Sachs, Goldman Sachs Capital Partners, qui avait refusé d'investir dans le site.

«Cela montre non pas le scepticisme, car Facebook c'est extraordinaire, mais plutôt que tout a un prix», ajoute M. Volokhine.

Le groupe internet co-fondé et dirigé par Mark Zuckerberg, 26 ans, nommé «Personne de l'année» par le magazine Time, compte aujourd'hui plus de 600 millions de membres dans le monde et plus de 300 actionnaires, d'après M. Kerner.

Si le groupe dépasse comme attendu les 500 actionnaires cette année, la réglementation boursière américaine les contraindra à entrer en Bourse, ce qui représenterait une énorme opération, ou au moins à publier certaines données financières.