Robert Bourassa aurait été ravi, lui qui avait promis 100 000 emplois pour se faire élire, en avril 1970, malgré l'incrédulité générale. Il s'en est créé 101 800 au Québec l'an dernier, dont 24 700 en décembre, ce qui a fait reculer le taux de chômage de 7,9% à 7,6%.

Les données de décembre de l'Enquête sur la population active (EPA) de Statistique Canada indiquent que la création d'emplois a été robuste d'un océan à l'autre en 2010 avec 368 500 emplois. Il s'agit de la meilleure performance depuis 2002. Elle contraste avec la faible création de 1,1 million d'emplois aux États-Unis, pourtant 10 fois plus populeux.

La barre des 100 000 emplois au Québec est difficile à franchir. Depuis 1976, elle ne l'a été qu'en 1983, 1985, 1998, 2002 et 2010. On ne s'attend pas à ce qu'elle soit dépassée cette année où l'économie, maintenant en expansion, croîtra plus lentement que l'an dernier.

«La marque de 7,6% n'avait pas été atteinte depuis décembre 2008, précise Joëlle Noreau, économiste principale chez Desjardins. Cependant, elle ne constitue pas un record qui, lui, avait été atteint en juin 2007 à 6,8%.»

Le Québec compte maintenant 69 500 emplois de plus qu'avant la récession et 28 400 chômeurs de moins qu'il y a un an. Il s'agit du meilleur score canadien.

L'ensemble du pays a cependant récupéré tous les emplois perdus et compte 131 700 chômeurs de moins qu'en décembre 2009.

Seule ombre au tableau, Montréal n'a pas retrouvé sa vigueur d'antan. Son taux de chômage est repassé le mois dernier au-dessus de celui de Toronto (8,5% contre 8,4%).

Les 24 700 nouveaux emplois de décembre au Québec sont le solde de 39 300 emplois à temps plein de plus et de 11 400 emplois à temps partiel de moins. Il s'agit donc d'un chiffre solide.

L'embauche a été assurée en grande partie par le secteur privé, tant au Québec que dans le Canada dans son ensemble. Les bonds dans la fabrication, le transport et l'entreposage observés au Québec et en Ontario ont fait sourciller certains économistes qui soupçonnent l'accident d'échantillonnage de l'EPA.

D'autres y voient plutôt la reprise de la production au lieu du déstockage noté en septembre et octobre. «Cela coïncide avec une amélioration de l'économie américaine observée à la fin de 2010, font remarquer Yanick Desnoyers et Matthieu Arseneau de la Banque Nationale. L'économie canadienne semble appelée à profiter d'une croissance plus équilibrée et d'une amélioration sur le front des exportations dans les mois à venir.»

Cela serait bienvenu, car la demande intérieure ne sera pas aussi vigoureuse. La nouvelle année marque le début de l'austérité fiscale et sans doute aussi d'un ralentissement dans la construction domiciliaire dans plusieurs provinces.

En 2010, le nombre d'emplois a progressé de 3,1% dans le secteur privé et de 4,2% dans le secteur public, un rythme incompatible avec la volonté des gouvernements de retrouver l'équilibre budgétaire. Le nombre de travailleurs indépendants a quant à lui diminué de 109 000, ce qui est un autre signe d'assainissement du marché du travail.

D'un océan à l'autre, l'augmentation du nombre d'emplois a excédé de quelque 130 000 la croissance de la population active, c'est-à-dire celle qui détient ou cherche un emploi. La baisse du taux de chômage de huit dixièmes de point durant l'année est donc signe de santé.

Aux États-Unis

On ne peut en dire autant du côté des États-Unis où le taux de chômage est pourtant passé de 9,8% à 9,4%, de novembre à décembre. «Au moins 260 000 personnes ont déserté les rangs de la population active en décembre, déplore Alistair Bentley, économiste chez TD. Depuis mai, on compte 860 000 demandeurs d'emplois en moins.»

Au net, il y a eu 103 000 embauches seulement le mois dernier, toutes dans le secteur privé. Les États et les municipalités ont continué de sabrer dans leurs effectifs. Mince consolation, le Bureau of Labour Statistics a révisé légèrement à la hausse les embauches privées de novembre et d'octobre.

Les États-Unis comptent désormais 14,45 millions de demandeurs d'emplois, dont 6,44 millions sont en chômage depuis au moins 27 semaines. Ces chiffres excluent les personnes qui ont abandonné la recherche active d'un gagne-pain.

Le taux d'activité, c'est-à-dire la proportion des gens de 16 ans et plus qui détient ou cherche activement un emploi, s'élève à 64,3%. Le taux d'emploi atteint seulement 58,3%.

Au Canada, les chiffres sont respectivement de 66,9% et 61,8%. Au Québec, de 65,4% et 60,5%.

Précision importante, l'entrée dans la population active se fait à partir de l'âge de 15 ans plutôt que 16 au Canada.

Avec la méthodologie américaine, on mesure encore mieux l'état de santé du marché du travail canadien. Notre taux de chômage glisse alors à 6,6% tandis que le taux d'emploi grimpe à 62,5%.