Inquiet de la fusion des géants des télécoms avec ceux du petit écran, Cogeco demandera une réglementation plus musclée des empires médiatiques comme Bell-CTV, Shaw-Canwest et Quebecor afin d'empêcher des abus de pouvoir. Cogeco dit déjà avoir été victime d'incidents au cours de négociations avec des concurrents plus puissants.

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En mai prochain, le câblodistributeur indépendant fera des propositions au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) afin d'accroître ses pouvoirs d'intervention. «Il faut donner au CRTC des pouvoirs accrus et punitifs. Ça ne suffira plus si un acteur dominant reçoit un soufflet sur le poignet. Il faut des mesures punitives qui aient des dents. Dans le moment, tout ça est un peu théorique. Mais la réglementation doit être solidifiée à la lumière des changements (récents)», dit Louis Audet, président et chef de la direction de Cogeco, qui tenait son assemblée annuelle hier à Montréal.

Cogeco dit avoir été victime d'incidents d'abus de pouvoir dans ses négociations avec certains concurrents plus puissants. «Nous avons déjà eu (des incidents). Nos craintes sont fondées», dit Louis Audet, qui n'a pas voulu dévoiler le nom des entreprises en question.

Au contraire de ses concurrents Bell, Rogers et Quebecor, Cogeco ne détient pas de réseau de télé. L'entreprise, qui a vendu le réseau TQS aux frères Rémillard en 2008, n'exclut pas la possibilité de revenir au petit écran. «Nous n'excluons rien, même si les possibilités de combinaison sont moins fréquentes», dit Louis Audet.

Le grand patron de Cogeco croit qu'un câblodistributeur peut tirer son épingle du jeu sans posséder de chaînes de télé. Un discours qui tranche avec celui de ses concurrents, qui sont à allonger des milliards de dollars afin d'acquérir des réseaux de télé. «Il faut prendre ce discours avec un grain de sel, dit Louis Audet. Ça fait sourire.»

Cogeco a toutefois espoir de gonfler ses effectifs à la radio. L'entreprise, qui exploite déjà le réseau Rythme FM, a offert 80 millions de dollars afin d'acquérir les stations de Corus (FM 98,5, CKAC et CKOI). Cogeco s'attend à une décision du CRTC d'ici le 23 décembre.

À court terme, Cogeco ne compte pas se lancer dans la téléphonie sans fil comme son concurrent Vidéotron.

Au cours des prochains mois, le câblodistributeur portera une attention particulière à ses activités au Portugal, un pays dont les perspectives économiques ne sont guère reluisantes. «C'est une préoccupation, mais, selon notre expérience des récessions au Canada, les gens gardent leurs services de divertissement à la télé car c'est l'alternative de divertissement la moins coûteuse», dit Louis Audet. Acquise en 2006, la filiale portugaise Cabovisao constitue 10% des revenus et 8% des profits des activités de câblodistribution de Cogeco.

Pour l'exercice financier 2010, Cogeco a augmenté ses revenus de 5,5%, à 1,3 milliard, et son bénéfice d'exploitation avant amortissement ajusté, de 5,1%, à 519,3 millions. Des résultats financiers qui ne sont pas entièrement reflétés dans le cours boursier des actions de Cogeco et Cogeco Cable. «C'est clair qu'il y a une sous-évaluation du titre qui ne se justifie pas, selon nos résultats, dit Louis Audet. L'action de Cogeco s'échange à 5,2 fois les bénéfices, celle de Cogeco Câble à 5,7 fois les bénéfices. Dans notre secteur, les titres s'échangent entre 6,5 et 7,5 fois les bénéfices.»

Le titre de Cogeco a toutefois la cote chez un de ses actionnaires: son concurrent Rogers, qui a augmenté encore cet automne sa participation dans Cogeco Câble à 32,5% et dans Cogeco, à 39,9%. Ces transactions auprès de petits investisseurs ont alimenté les rumeurs d'une acquisition éventuelle de Cogeco par Rogers. Mais la famille Audet, actionnaire de contrôle de Cogeco, ne veut pas vendre.

Hier, le titre de Cogeco s'est déprécié de 0,7% afin de clôturer la séance à 38,65$, alors que celui de Cogeco Câble s'est apprécié de 1,1% afin de clôturer la séance à 42,07$. Les deux titres ont gagné respectivement 34,8% et 20,2% depuis le début de l'année 2010.