Le Bureau international du travail (BIT) s'inquiète d'une stagnation persistante des salaires dans le monde qui, estime-t-il, a contribué à provoquer la crise et désormais altère une reprise économique déjà laborieuse.

«La stagnation des salaires fut un élément déclencheur de la crise; elle continue d'affaiblir la reprise dans de nombreuses économies», prévient le directeur général du BIT, Juan Somavia, cité dans un communiqué présentant le deuxième rapport de l'organisation sur les salaires.

De fait, souligne le rapport, la croissance des salaires réels dans le monde s'est réduite de moitié en 2008 par rapport à l'année précédente.

Se basant sur des statistiques portant sur 115 pays, le BIT a calculé que la croissance des salaires réels moyens est passée d'un taux de «2,8% avant la crise en 2007 à 1,5% en 2008 et 1,6% en 2009».

Cette évolution s'explique par une «inflation inhabituellement élevée» en 2008, principalement due au pic du prix du pétrole, suivie par de «fortes baisses de l'inflation qui ont permis d'éviter la chute des salaires en 2009», explique le BIT.

En excluant la Chine (dont les statistiques sont incomplètes), la croissance des salaires réels a encore plus fortement ralenti, allant de 2,2% en 2007 à 0,8% en 2008 et 0,7% en 2009, poursuit le rapport.

Pour M. Somavia, ces éléments confirment une nouvelle fois que «la crise de l'emploi s'éternise».

Toutefois, la situation diffère fortement selon les régions, admet le BIT.

Dans les pays riches, les salaires réels ont augmenté d'environ 0,8% en 2007, puis baissé de 0,5% en 2008, avant de croître légèrement à un taux de 0,6% en 2009.

Les travailleurs d'Europe centrale et orientale, ainsi que ceux d'Asie centrale sont les plus mal lotis en ayant gagné moins en 2009 qu'en 2008 et 2007.

En Asie, la crise n'a quasiment pas eu d'impact sur l'évolution des salaires, les rémunérations ayant augmenté de 7,2% en 2007, de 7,1% en 2008 et de 8% en 2009. L'Afrique aussi s'en sort bien, avec des salaires réels s'élevant de 0,5% en 2008 et de 2,4% en 2009, tout comme l'Amérique latine, avec une hausse des rétributions de 1,9% en 2008 et de 2,2% l'an dernier.

Le rapport relève également que durant la crise la moitié des pays, dont le Brésil, les Etats-Unis, la Russie et le Royaume-Uni, ont ajusté à la hausse leur salaire minimum, ce qui «distingue cette crise des précédentes pendant lesquelles la règle était le gel du salaire minimum», selon le BIT.

Des défis restent à relever, souligne toutefois le rapport, citant l'augmentation de l'«inégalité salariale», «avec des salaires qui augmentent rapidement en haut de l'échelle et des salaires qui stagnent à la médiane et en bas de l'échelle».

Un autre sujet de préoccupation de l'organisation sont «les quelque 330 millions de salariés qui font désormais partie des individus faiblement rémunérés dans leur pays».

Car depuis le milieu des années 1990, la proportion des individus touchant une faible rémunération - définie comme inférieure aux deux tiers des salaires médians - a augmenté dans plus des deux tiers des pays dont l'Allemagne, l'Argentine, la Chine, l'Espagne, l'Indonésie, l'Irlande et la Pologne.