La banquière autrichienne Sonja Kohn, accusée d'être «l'âme soeur criminelle» du courtier américain Bernard Madoff, a mis à profit son réseau mondial pour attirer des investisseurs dans ce qui s'est révélé être la plus grande arnaque de l'histoire de la finance.

D'abord active dans l'import-export en Autriche et en Italie, à Milan, cette fille de modestes immigrés d'Europe de l'Est s'installe à New York en 1985. A la tête du fonds Eurovaleur Inc., lancé avec son mari, Erwin, elle fait son trou sur la place, au point d'être surnommée «l'Autrichienne de Wall Street».

C'est là qu'elle fait la connaissance de Bernard Madoff, qui a dirigé, entre autres, la Bourse technologique Nasdaq.

Au cours des années 1990, elle rentre à Vienne et travaille avec le chef de la Bank Austria de l'époque, Gerhard Randa.

En parallèle, Sonja Kohn développe l'activité de sa banque privée Medici, fondée en 1984. L'établissement est visé comme elle, six membres de sa famille et la Bank Austria, notamment actionnaire de Medici à hauteur de 25%, par une plainte du liquidateur du fonds de Madoff, Irving Picard.

Il leur réclame 19,6 des quelque 50 milliards de dollars aspirés dans l'arnaque pyramidale du courtier, qui purge une peine de 150 ans de prison.

Ses contacts dans le milieu permettent à la banquière de conseiller aussi bien le gouvernement autrichien que la Bourse de Vienne dans sa stratégie d'expansion.

Preuve de ses liens avec la classe politique, deux anciens ministres, Ferdinand Lacina (social-démocrate) et Johann Farnleitner (conservateur), siègent au conseil de surveillance de la banque Medici, fermée à la suite de la tourmente Madoff.

D'apparence affable, Sonja Kohn, 62 ans, est jugée tenace et convaincante en affaires. Répercutant les promesses de profits mirifiques annoncés par Madoff, elle affirmait à ses clients être la seule à pouvoir leur faire profiter de telles opportunités.

Sonja Kohn avait su persuader aussi bien des investisseurs israéliens que des Arabes du Golfe, de riches Russes ou des Sud-Américains.

Selon Irving Picard, qui la taxe «d'âme soeur criminelle» de Madoff, l'Autrichienne a reçu des dizaines de millions d'euros de commission pour ses services. D'après lui, 9,1 milliards de dollars ont transité vers le fonds Madoff par la petite banque Medici et sa quinzaine d'employés.

Drapée dans une posture de victime, Sonja Kohn nie avoir eu vent de la combine ou entretenir des liens amicaux avec Madoff. Les accusations «ne correspondent pas à la réalité», assure son avocat, Andreas Theiss, dans l'édition dominicale du quotidien autrichien Die Presse.

Sonja Kohn s'est fait très discrète depuis l'éclatement du scandale. Elle vit cachée, peut-être en Suisse, d'après des informations non confirmées, pour se protéger, selon la rumeur, de la vengeance d'investisseurs ruinés.