Les tensions sino-américaines n'ont pas été apaisées par le sommet du G20 à Séoul, qui a pris fin hier.

Elles seront sans doute palpables au cours du Forum économique Asie-Pacifique qui s'ouvre aujourd'hui à Yokohama au Japon et encore pendant des mois, malgré un désir affiché par tous de ne pas déclencher une guerre des monnaies qui couve déjà.

Surtout, elles alimenteront la nervosité des intervenants sur les marchés financiers, monétaire et obligataire au premier chef, tout en compliquant une reprise qui bat de l'aile dans bien des pays.

La sous-évaluation du yuan face au billet vert, on le sait, contribue aux grands déséquilibres internationaux, en donnant à leurs entreprises un avantage concurrentiel dont elles ne disposeraient pas autant avec une monnaie à taux flottant qui refléterait davantage la puissance de l'économie chinoise.

Cet avantage artificiel crée du chômage chez ses clients, à commencer par les États-Unis qui accusent un déficit commercial de plus de 200 milliards, après seulement neuf mois cette année, selon les données du département du Commerce, parues plus tôt cette semaine, tandis que le taux de chômage s'incruste à au moins 9,5% depuis 15 mois.

On sait moins cependant que les autorités chinoises ont sans doute des alliés aux États-Unis mêmes. Les entreprises américaines, qui achètent, comme WalMart, ou qui impartissent certaines de leurs activités, comme Apple, en Chine, sont grandement bénéficiaires du déséquilibre des échanges commerciaux qui gonflent leurs profits.

On ne pourra pas compter sur un Congrès paralysé par ses débats partisans et par le bras-de-fer stérile de ses deux Chambres, pour trancher de qui, des entreprises ou du peuple américain, il faut s'occuper en premier lieu.

Devant ce constat, la Réserve fédérale a choisi de passer à l'action en s'engageant à acheter d'ici juin jusqu'à 600 milliards de la dette américaine. Son objectif est de faire baisser les taux d'intérêts obligataires à moyen terme de manière à stimuler le crédit.

C'est un pari risqué qui a pour effet pervers de déprécier le billet vert à court terme contre les autres monnaies, à l'exception de celles qui s'échangent à parité quasi fixe avec lui, comme le yuan.

C'est ce qui explique que la Chine avait des alliés à Séoul, à commencer par l'Allemagne, deuxième exportateur du monde qui profite de la faiblesse relative de l'euro, lui-même plombé par des pays comme l'Irlande ou la Grèce qui renouent avec la récession. Un billet vert qui faiblit, c'est le prix des Audi et des BMW qui augmente aux États-Unis.

L'affaiblissement du billet vert devra être modulé pour éviter une flambée des taux d'intérêts obligataires qui serait le résultat d'une indigestion de dette américaine par ses acheteurs. La décision la semaine dernière de l'agence de notation chinoise Dagong d'abaisser la cote de la dette américaine n'est pas une mauvaise blague, d'autant que les banques chinoises sont les premiers créanciers des États-Unis.

Reste que la fixation des monnaies comme le yuan face au dollar ne peut en aucun cas résoudre les déséquilibres mondiaux. Elle les accentue. Elle crée notamment de l'inflation en Chine, maintenant à 4,4%, au point où on s'attend à ce que la Banque populaire de Chine augmente encore son taux directeur. Cela effraie les investisseurs qui voient dans la cherté accrue du loyer de l'argent un risque sérieux de ralentissement économique mondial. Cela attise aussi les tensions internes, car c'est le prix des aliments, en bonne partie importés, qui grimpe surtout. Un yuan un peu plus fort favoriserait la paix sociale.

Les membres du G20 ont peut-être bien agi en évitant les antagonismes et en se donnant jusqu'à l'été prochain pour définir plusieurs indicateurs de déséquilibres globaux afin de mieux s'y attaquer.

Ces indicateurs seront pourtant une lame à deux tranchants : elles mettront davantage certains pays sur la sellette, ce qui attisera encore les tensions et, surtout, les velléités protectionnistes que tous nient entretenir. Du moins pour l'instant.

Le rééquilibrage exigera donc des années pendant lesquelles une croissance mondiale optimale ne sera pas possible tandis que de nouvelles crises resteront à la fois probables et douloureuses à juguler.

La solidarité internationale est un exercice beaucoup plus délicat, mais moins dangereux que celui de Charité bien ordonnée commence par soi-même.

Dans ce monde miné, le Canada devra rivaliser de finesse et s'assurer que sa maison soit bien en ordre.