Chaque lundi matin, au coup de sifflet, des centaines d'acheteurs se ruent dans la halle du marché aux foies gras frais de Samatan, dans le Gers: le foie gras résiste à la crise, particulièrement les foies crus, meilleur marché et portés par la mode du naturel «fait maison».

Les marchés au gras du Gers, spécialisés dans la vente directe de foies crus aux consommateurs, dont le plus important est à Samatan, illustrent ce tournant.

Le comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras (CIFOG) a constaté en 2009 une progression de 7,5% en volume des ventes de foies gras en France (8800 tonnes consommées par les ménages au total). Le foie cru a bondi lui de 18%, loin devant le prêt à consommer (+3,5%).

Le part de marché du cru a ainsi atteint 29% en 2009 contre 27% en 2008.

«En 2010, la tendance se confirme, les ménages se remettent à cuisiner: ils sont portés vers plus de naturel mais la tendance est aussi forcée par la conjoncture économique», indique Philippe Baron, président national des producteurs au sein du CIFOG, et producteur à Loubersan près de Mirande (Gers).

Un foie frais entier se trouve en grande surface à partir de 20 euros le kilo (28 dollars canadiens), tandis que le haut de gamme vendu à Samatan coûte de 22 à 40 euros le kilo selon la saison, des prix inférieurs de moitié aux produits transformés comparables, selon M. Baron.

A Samatan, 1200 kg sont partis lundi en 20 minutes. À 10h30 précises, comme aux soldes, les acheteurs, pour beaucoup du troisième âge, se précipitent vers les tables où les producteurs exposent leurs produits.

Un retraité toulousain âgé de 84 ans en achète pour un peu plus de 5 kg: «c'est pour mes enfants et petits-enfants, je leur fais des conserves et j'en garde un ou deux à poêler, je préfère venir ici, je sais d'où cela vient», explique Gaspard, habitué depuis 20 ans, en sortant 190 euros en liquide.

Ce retraité du bâtiment n'en dira pas plus sur son identité, pas plus que la vendeuse qui concède se prénommer Josiane, elle-même retraitée de la restauration.

«La vente de foie, c'est souvent un appoint à une retraite minable, ils ne veulent pas s'étendre sur le détail des transactions», explique Jean-François Blanc, adjoint au maire de Samatan.

La forte progression de la consommation des 20 dernières années a profité surtout à l'industrie, mais sur le marché de Samatan on ne s'en inquiète guère: «cela s'est démocratisé, on ne peut pas produire pour tout le monde en traditionnel, ici les gens viennent pour la qualité», déclare une autre productrice, Chantal tout aussi discrète sur son patronyme.

Le vétérinaire inspecteur de Samatan, le docteur Didier Villate ne condamne toutefois pas la qualité du foie gras vendu en grande surface. «On constate peu de différences gustatives, c'est surtout sur la qualité de la viande du canard qu'on voit la différence», estime-t-il.

Après une chute de moitié des ventes en 20 ans, le marché de Samatan s'est stabilisé autour de 2 tonnes de foie et 25 tonnes de carcasses (le canard entier moins le foie) les meilleurs lundi. «Cette année, on constate un retour des producteurs qui jusque là vendaient à la ferme et s'étaient équipés pour transformer eux-mêmes», indique le Dr Villate.

Les prix rémunérateurs obtenus grâce à la demande croissante des citadins y sont pour beaucoup: «On monte jusqu'à 40 euros le kilo deux semaines avant Noël, et sans intermédiaire, les producteurs n'hésitent plus», précise-t-il.