Les actions de Jean Coutu et Shoppers Drug Mart ont bien réagi hier à la réforme sur les prix des médicaments génériques annoncée vendredi dernier par Québec. Mais les pharmaciens propriétaires, eux, sont furieux, affirmant qu'ils encaisseront d'importantes baisses de revenus. L'Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP) calcule à vue de nez que les 1700 pharmaciens du Québec perdront 70 millions de dollars d'ici 2012 avec les changements annoncés vendredi.

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«Même si le ministre (Yves) Bolduc nous avait dit qu'il nous considérait comme des partenaires, je pense que la discussion s'est davantage faite de façon fermée avec l'industrie», dénonce Normand Cadieux, vice-président exécutif et directeur général de l'AQPP.

Le Conseil du médicament a annoncé vendredi que les prix des médicaments génériques subiront une baisse graduelle au Québec. En juillet dernier, l'Ontario a sabré le prix de ses médicaments génériques pour le fixer à 25% du prix des médicaments d'origine, contre 54% actuellement au Québec. Québec se devait de réagir puisque ses politiques stipulent qu'il doit bénéficier du meilleur prix au Canada.

Le prix des médicaments génériques au Québec sera ainsi fixé à 37,5% du prix des innovateurs d'ici avril 2011, puis à 30% pendant l'année suivante, pour finalement atteindre 25%, la cible fixée par l'Ontario, en avril 2012.

Les pharmaciens propriétaires verront leurs revenus diminuer puisqu'ils reçoivent des fabricants de génériques des «redevances professionnelles» équivalentes à 20% des ventes. Quand les prix baisseront, ces redevances baisseront donc aussi.

Les pharmaciens auraient aimé être compensés pour ces baisses. Or, selon eux, Québec s'apprête au contraire à abaisser le seuil de redevances de 20% à 15% d'ici deux ans, ce qui les affecterait encore plus. Aucune politique n'a toutefois encore été dévoilée à ce sujet.

Selon les pharmaciens, la réforme du Québec est plus dommageable que celle de l'Ontario, qui avait aussi sabré les redevances, mais augmenté les honoraires versés aux pharmaciens.

Les réactions ont été meilleures en Bourse. L'action de Jean Coutu a gagné 22 cents ou 2,47$ hier pour clôturer à 9,12$. Celle de son concurrent Shoppers Drug Mart, qui exploite la bannière Pharmaprix au Québec, a grimpé de 2 cents pour terminer à 38,58$.

«Le prix des actions reflétait déjà les baisses de prix des génériques, mais tout le monde s'attendait à un calendrier de baisse plus agressif que ce que l'on voit, ce qui explique la remontée des titres», dit Carl Simard, gestionnaire de portefeuille et président de Medici.

D'un côté, Jean Coutu sera plus affecté que Shoppers Drug Mart parce qu'il possède lui-même un fabricant de génériques, Pro Doc. De l'autre, le modèle de Jean Coutu, qui fonctionne avec des magasins franchisés, «l'isole largement contre la réforme du médicament», écrit Vishal Shreedhar, analyste chez UBS, qui ne prévoit pas d'impact significatif sur l'entreprise.

Son collègue de chez Valeurs mobilières Desjardins, Keith Howlett, calcule quant à lui que la réforme annoncée vendredi sabrera le bénéfice de Jean Coutu de 15 cents par action.

Il souligne qu'il faudra évaluer l'impact d'éventuels changements aux allocations professionnelles et à la marge des grossistes avant de connaître l'impact total de la réforme québécoise sur les pharmaciens cotés en Bourse.

Jean Coutu a aussi dit vouloir attendre de connaître l'ensemble de la réforme avant de discuter de l'impact sur ses activités.

Même message du côté de l'Association du médicament générique du Canada, qui représente les fabricants, qui note «qu'en ce qui concerne les prix, les mesures de transition mises en place par le gouvernement du Québec semblent correspondre à ce qui se passe en Ontario».