La lecture du journal du matin dévoile régulièrement les navrantes bourdes de bon nombre de personnalités publiques, fussent-elles hauts dirigeants, hommes politiques ou célébrités artistiques. Si le statut hiérarchique, le talent, la détermination ou encore l'expertise peuvent conférer à son détenteur la capacité d'exercer de l'influence sur autrui, tous ces attributs se révèlent bien souvent nettement insuffisants pour garantir la pérennité du pouvoir.

Pour durer dans le monde des affaires, de la politique ou du show-business, il faut absolument connaître certaines notions de base en aptitudes politiques.

Être habile politiquement signifie essentiellement «être à la bonne place, au bon moment, avec les bonnes personnes pour faire les bonnes choses». Cette conjonction gagnante nécessite le recours à ce qui est convenu d'appeler les quatre «R» du pouvoir politique, à savoir: les relations, le rayonnement, les représentations et le résiduel.

Les relations

Les relations forment l'assiette politique d'une personne. Elles lui garantissent le soutien nécessaire pour ouvrir les bonnes portes donnant accès aux bonnes personnes. Les relations d'une personne sont en quelque sorte une courroie de transmission lui permettant de démultiplier son potentiel d'action. Mais attention, il importe pour quiconque désirant préserver un tel potentiel de bien sélectionner, en tout temps, ses relations.

De mauvaises fréquentations auront tôt fait d'ébrécher, voire fracasser, votre assiette politique. D'ailleurs, la commission Bastarache est essentiellement une conséquence de carences relationnelles, réelles ou perçues, en matière d'éthique.

Le rayonnement

Le rayonnement d'une personne renvoie pour l'essentiel à son image. Il ne s'agit pas de sa personnalité, mais de sa réputation et de sa notoriété. Quoique purement perceptive et, conséquemment, subjective, l'impression que dégage une personne est considérablement déterminante dans la production du pouvoir.

Même les gens soi-disant foncièrement honnêtes peuvent facilement ternir durablement leur image par un regrettable geste irréfléchi. Comme quoi même un chanteur populaire ne peut, sous aucun prétexte, passer sauvagement et impunément devant une file de gens bien ordinaires attendant, patiemment et de façon civilisée dans un froid de canard depuis de longues heures, de recevoir un vaccin permettant de stopper la pernicieuse marche d'un terrible meurtrier viral: la grippe A (H1N1).

Les représentations

Les représentations font référence au jeu de la personne. Il s'agit en fait de l'adéquation du comportement de celle-ci en regard de la situation. Alors que certaines conjonctures - par exemple, une menace sérieuse à la sécurité d'une communauté - exigent d'une personne l'adoption d'une réaction fougueuse, d'autres - par exemple, les infortunes de ses détracteurs - invitent plutôt à l'expression sobre et réservée d'une position.

Nonobstant la nature favorable ou défavorable de la situation, une règle fondamentale doit impérativement être respectée: ne jamais confronter une foule.

À ce sujet, André Caillé, entre autres président de l'Association pétrolière et gazière du Québec, a été à même de vérifier, notamment à Saint-Hyacinthe, l'exactitude de cette règle. Galvanisée par l'irréfragable fantasme de toute-puissance, une foule n'a que faire des lumières sagaces ou non d'une autorité se revendiquant de la défense du bien commun.

Le résiduel

Le résiduel désigne tout ce qui flotte autour de la personne et dont le recours n'est nullement interdit.

Ainsi, la promotion sincère de l'humain est nettement susceptible d'accroître le pouvoir d'une personne. L'être humain a besoin d'attention et de considération. Il a besoin de se sentir écouté, compris et accepté dans sa singularité. En fait, il est totalement erroné de considérer que la personne est une ressource humaine. Elle a plutôt des ressources humaines qu'elle offre aux autres.

De même, la signification, autre composante du résiduel, permet à quiconque sachant bien la mettre en valeur de produire du pouvoir. L'être humain recherche le sens des choses et des événements. Il a besoin de savoir où il se situe dans l'univers sociétal et organisationnel et en quoi sa participation contribue tant à l'atteinte d'objectifs collectifs qu'à l'actualisation de sa réalisation personnelle.

Toute intervention ayant du sens, au moyen entre autres de métaphores, d'allégories ou de témoignages personnels, augmente de beaucoup les probabilités de produire du pouvoir.

Finalement, l'apprentissage des habiletés politiques ne peut en aucun temps faire l'économie d'une réflexion éthique. Le célèbre philosophe français René Descartes ne savait si bien dire lorsqu'il affirmait que «les plus grandes âmes sont capables des plus grands vices aussi bien que des plus grandes vertus».

Produire du pouvoir politique au moyen des quatre «R» est une chose; s'interroger sur le pourquoi et le «pour qui» d'une telle production en est une autre. Le pouvoir n'a pas en soi de la valeur. C'est ultimement ce que l'on fait avec qui prend de la valeur. S'il est vrai que «l'enfer est pavé de bonnes intentions», il importe de s'interroger fréquemment sur la nature et la portée de nos comportements politiques.

Le lecteur qui veut en connaître davantage sur les aptitudes politiques est invité à consulter l'ouvrage de Gérard Ouimet Psychologie du pouvoir organisationnel: la maîtrise des habiletés politiques, Chenelière Éducation.

Gérard Ouimet, Ph.D., OPQ, APA, CPA, est professeur titulaire de psychologie organisationnelle au service de l'enseignement du management, à HEC Montréal.

Pour joindre notre collaborateur gerard.ouimet@hec.ca