Même si les pressions sur les prix se sont affaiblies au cours des derniers mois, le rythme d'inflation suit en gros la trajectoire prévue par la Banque du Canada.

«Nous sommes très loin de la déflation au Canada, très loin», a affirmé à La Presse hier Tiff Macklem, premier sous-gouverneur de la Banque au cours d'une brève entrevue précédant son discours devant le Cercle de la finance internationale de Montréal.

Ces temps-ci, quelques économistes prévisionnistes commencent à s'inquiéter publiquement de la faible augmentation des prix depuis le printemps.

M. Macklem préfère rappeler que le rythme annuel de l'Indice des prix à la consommation s'élevait à 1,7% en août (comparativement à 1,8% en juillet), tandis que l'indice de référence de la Banque, qui exclut huit composantes les plus volatiles comme l'essence ou les fruits et légumes, trottait à 1,6%. Il s'agit de taux un peu plus faibles que ceux de son dernier scénario économique publié en juillet. Le prochain est attendu le 20 octobre.

«Les anticipations d'inflation sont très bien ancrées sur la cible, a insisté M. Macklem. Nous avons une longue période de maîtrise de l'inflation et avons acquis beaucoup de crédibilité.»

La crise financière

Le premier sous-gouverneur était invité comme conférencier à exposer des Réflexions sur la politique monétaire après la Grande Récession.

Il n'a pas manqué de préciser, quasi d'entrée en jeu, que «l'accent mis sur la maîtrise de l'inflation par la politique monétaire tout au long de la crise financière et de la récession mondiale a servi à la fois de phare et d'ancre aux interventions audacieuses menées par les autorités».

Si pareille attitude aura permis de négocier la sortie des crises financière et économique, elle n'a aucunement été utile pour les prévenir, reconnaît M. Macklem.

Pour y parvenir, les autorités monétaires devront désormais étudier l'interrelation entre la stabilité des prix et celle du système financier.

La politique monétaire actuelle vise à s'assurer que le taux annuel d'inflation soit de 2% sur un horizon de deux ans. Pour y arriver, la banque centrale modifie son taux directeur à la baisse, quand le rythme d'inflation s'approche trop de la limite inférieure de 1% de sa fourchette cible, ou à la hausse, quand il menace de dépasser la limite supérieure de 3%.

Depuis sa mise en place, il y aura bientôt 20 ans, cette politique a permis de bien maîtriser l'évolution des prix et d'assurer une croissance prolongée sans choc inflationniste. Jusqu'à ce qu'éclate la crise financière.

La Banque doit négocier l'an prochain avec Ottawa la reconduction ou la modification de son mandat pour la période de 2012 à 2017. «Dans quelles circonstances vaudrait-il la peine d'accepter des déviations plus importantes de l'inflation par rapport à la cible à l'horizon habituel pour permettre à la politique monétaire d'atténuer les déséquilibres financiers et possiblement de mieux réussir à garder un taux d'inflation bas et stable à un horizon plus éloigné?» se demande le premier sous-gouverneur. Il fait ainsi état des réflexions actuelles des autorités monétaires sur la nature de leur prochain mandat.

L'interconnexion entre stabilités financière et des prix paraît avoir éclipsé des réflexions précédentes portant plutôt sur une cible plus faible (par exemple 1,5% au lieu de 2,0%) ou sur les niveaux des prix.

M. Macklem a relevé qu'en axant toute la politique monétaire sur l'atteinte d'une cible d'inflation, l'analyse du crédit et de la monnaie a été négligée. «Si nous regardons seulement les taux d'intérêt, l'inflation et la production, nous risquons de ne pas voir les bulles et les autres éléments du risque systémique lorsqu'ils se développent, a poursuivi le conférencier. Et si nous voulons commencer à examiner le rôle de la politique monétaire dans l'atténuation des déséquilibres financiers, nous devons avoir une meilleure compréhension de l'effet qu'ils ont un sur l'autre.»

M. Macklem a indiqué que la Banque élabore des outils de détection des déséquilibres financiers en formation.

La politique monétaire de l'avenir, à la fois préventive et proactive, ne manquera pas de défis.