Facebook, iPhone, Nintendo Wii. Les jeux télévisés n'ont pas de frontière pour Ludia, un des secrets les mieux gardés de l'industrie québécoise du jeu vidéo.

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Chaque jour, la PME installée dans le Vieux-Montréal permet à 300 000 personnes de jouer à The Price Is Right sur Facebook. Toutes plateformes confondues, Ludia a vendu 1 million d'unités du jeu tiré de l'émission de télévision. Et sa version iPhone d'Où est Charlie (Where's Waldo) a trôné au sommet du palmarès des applications payantes d'Apple durant cinq semaines au cours de la dernière période des Fêtes. «Notre stratégie est assez simple: viser le jeu grand public, le casual gaming», dit Alexandre Thabet, président, cofondateur et actionnaire majoritaire de Ludia.

Ludia - nom qui condense ludique et média - se spécialise dans l'adaptation de jeux télévisés pour les jeux vidéo, un concept particulièrement prisé sur la console Wii de Nintendo et sur les nouvelles plateformes de jeux comme Facebook et les téléphones portables intelligents. Les jeux de Ludia coûtent tous moins de 1 million de dollars à produire, ce qui est de 10 à 20 fois moins cher qu'un jeu à grand déploiement.

La popularité de la console Nintendo Wii auprès du grand public a mis Ludia au monde. «Plusieurs éditeurs ont seulement décliné leurs jeux existants sur la Wii, mais on s'est aperçu que plus de 50% des propriétaires de Wii achetaient leur première console. Pour ces gens-là, Prince of Persia et Grand Theft Auto ne voulaient rien dire. Des jeux inspirés d'émissions de télé comme The Price Is Right et Hell's Kitchen ont eu plus de résonance», dit Alexandre Thabet, gamer avoué qui a commencé sa carrière dans les jeux vidéo comme producteur à Ubisoft en 1998 après avoir décroché son MBA en Australie.

Dès ses débuts, Ludia a choisi de créer ses jeux tirés d'émissions de télé sur toutes les plateformes. Une décision qui allongera sa liste de concurrents, mais qui réduira considérablement ses coûts sur certaines plateformes. «Adapter un jeu pour l'iPhone coûte environ 50 000$. Pour un concurrent qui doit partir du début, ça coûte de 200 000$ à 300 000$», dit Alexandre Thabet.

Ludia possède les droits d'adaptation du livre Où est Charlie et de 13 émissions de télé américaines, dont son meilleur vendeur The Price Is Right, qui s'est écoulé à plus de 1 million d'unités depuis son lancement à Noël 2008. Au cours de l'automne, Ludia lancera la version Wii de Who Wants To Be A Millionnaire, Hollywood Squares et The Amazing Race.

Ludia a vu son chiffre d'affaires doubler chaque année pour atteindre plus de 10 millions de dollars en 2010. La société a généré des profits dès sa deuxième année d'existence, en 2008. Des profits qui ne cessent de se multiplier, au point de faire l'envie des concurrents. Alexandre Thabet a reçu trois propositions pour vendre Ludia au cours des trois derniers mois, qu'il a toutes déclinées. «Nous représentons un véhicule intéressant pour des joueurs qui veulent se repositionner, dit-il. Nous n'excluons aucune possibilité, mais nous connaissons une belle croissance.»

Alexandre Thabet a déjà joué dans ce film. En 2003, il a vendu à un concurrent sa jeune société Hexacto, entreprise de jeux vidéo pour Palm. Il n'a pu résister bien longtemps à l'appel de l'entrepreneurship, et a fondé Ludia avec quatre partenaires en mars 2007.

Qu'elle garde ou non son indépendance, Ludia aura assurément des adversaires plus coriaces à l'avenir. «Beaucoup d'acteurs de l'industrie se sont réveillés. Ils ont les moyens de mettre des sommes déraisonnables pour acquérir les droits d'émissions, mais nos calculs de rentabilité sont plus précis», dit Alexandre Thabet, qui compte lancer huit jeux sur Facebook l'an prochain.

Si la concurrence devient trop forte en Amérique du Nord, où Ludia génère 85% de ses revenus, Alexandre Thabet a déjà trouvé son prochain terrain de jeu: l'Europe. «C'est un marché plus fragmenté que l'Amérique du Nord, mais la télé devient de plus en plus universelle», dit-il.

Et Alexandre Thabet peut compter sur un avantage concurrentiel unique: son équipe personnelle de testeurs. «Si ma mère accroche, on a quelque chose de bon entre les mains. Si mes enfants de 6 et 7 ans ne comprennent pas le jeu, le grand public ne le comprendra pas non plus», dit le père de famille de 37 ans.