La venue de Nextflix au Canada était très attendue des propriétaires de cinéma maison, mais elle suscitera sans doute la crainte des entreprises déjà établies dans le créneau de la vidéo sur demande. Astral, Bell et Quebecor Media sont dans la ligne de mire de ce rouleau compresseur américain.

À 8$ par mois pour un téléchargement illimité, la version canadienne du service de vidéo sur demande Netflix rivalise directement avec des chaînes spécialisées comme Super Écran d'Astral Média, et son pendant anglophone, M Network. Les services de vidéo sur demande de Bell Télé et de Vidéotron sont aussi ciblés par Netflix.

L'entreprise américaine a cependant un défi de taille: elle doit se battre pour obtenir les droits de diffusion sur du contenu que possèdent déjà ses rivaux canadiens.

Ce détail pourrait éviter à des conglomérats comme Bell et Quebecor Media un sort similaire à celui de la chaîne américaine de clubs vidéo Blockbuster, qui s'est placée hier à l'abri de ses créanciers. Plusieurs en attribuent la faute à Netflix.

«Au Canada, c'est une véritable guerre de propriété du contenu qui se prépare, observe Me Anthony Hémond, porte-parole de l'Union des consommateurs. Bell est très forte pour négocier les droits de diffusion de films et de séries au Canada, alors que Quebecor est un grand producteur de contenu. Mais Netflix annonce une nouvelle concurrence étrangère qui sera encore plus importante quand Apple et Google se mettront de la partie.»

L'analyste montréalais Iain Grant, du Seaboard Group, estime que l'effet de Netflix sur Bell et Vidéotron se fera davantage sentir au niveau des terminaux vendus par les fournisseurs de services télévisuels.

Leurs terminaux sont une technologie vieille d'au moins 10 ans. Elle est incapable de rivaliser de polyvalence avec des produits comme l'Apple TV, note l'analyste montréalais. «On peut accéder à Netflix à partir de l'Apple TV, mais on peut faire encore plus, à un quart du prix des appareils vendus par Vidéotron et Bell Télé.»

En offrant aux foyers américains de télécharger des films et des séries télé directement sur leur téléviseur par l'entremise d'une console de jeux vidéo PlayStation 3, de Sony, ou Wii, de Nintendo, ce service a pris au dépourvu le marché américain de la vente et de la location de films.

Depuis le début de l'année, Netflix a continué de développer sa technologie de webdiffusion, délaissant tranquillement ce qui était jusque-là son activité principale: la location de DVD par la poste. Aux yeux des analystes, cette stratégie explique la croissance soutenue de Netflix, mais ils avertissent qu'elle pourrait toutefois être de brève durée. «Une fois que le marché des consoles de jeu vidéo sera comblé, la croissance de Netflix risque de ralentir brusquement», avertissait récemment la firme Morgan Securities, dans une note aux investisseurs.

Les analystes ne s'entendent pas sur le potentiel de croissance à plus long terme de Netflix, certains estimant sa valeur boursière trop élevée. Son action est passée de 74$ à plus de 153$ en six mois, au NASDAQ.

Essayant de justifier l'optimisme du marché, Netflix tente de trouver de nouveaux débouchés pour son service. En ce sens, son arrivée au Canada constitue une nouvelle occasion de croissance. Malgré la présence d'une poignée de films français, le service ne fait pas la part belle au marché québécois. Cependant, Netflix promet qu'il sera possible de télécharger la version en français des films et de certaines séries télé très bientôt.

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