Le Japon est intervenu mercredi sur le marché des changes pour la première fois depuis six ans afin d'affaiblir le yen qui a flambé ces dernières semaines, une action unilatérale qui a immédiatement provoqué un fort rebond du dollar américain et de la Bourse de Tokyo.

«Nous sommes intervenus directement afin de limiter la volatilité extrême du marché des changes», a déclaré le ministre des Finances, Yoshihiko Noda.

Il a expliqué que l'envolée récente du yen, valeur refuge, provoquait «une déstabilisation de l'économie et des finances» du Japon, une situation «intolérable».

Le yen a fortement progressé ces dernières semaines et atteint son plus haut niveau en 15 ans face au dollar et en 9 ans face à l'euro.

La monnaie japonaise fait l'objet d'achats massifs, en partie spéculatifs, causés par les incertitudes sur la conjoncture occidentale.

M. Noda n'a pas précisé les montants mis sur le marché, mais selon des courtiers cités par les médias, son ministère, avec le concours de la Banque du Japon, aurait vendu quelque 1000 milliards de yens (11,7 milliards de dollars US) principalement contre des dollars.

D'après les mêmes sources, cette intervention, lancée à 10h30 heure locale, se poursuivait au-delà de 8h00 (heure de Londres) sur les places européennes, notamment à Londres, et pourrait être étendue aux États-Unis, si nécessaire.

En conséquence, le yen a chuté rapidement: le dollar est passé de 82,86 yens à 85,52 yens, oscillant ensuite autour de 85 à 85,40 yens.

L'euro est monté pour sa part de 107,75 yens à 111,10 yens, évoluant dans les heures suivantes autour de 110,50 yens à 111 yens.

«A ce stade, cela a eu un certain effet», a déclaré en fin de journée à la presse le Premier ministre, Naoto Kan.

«Nous continuerons de suivre le mouvement du marché», a-t-il ajouté, justifiant l'intervention par le fait que le Japon ne pouvait plus laisser la situation s'aggraver davantage.

Haussant le ton depuis quelques jours, les autorités japonaises avaient laissé entendre qu'elles interviendraient le moment venu pour enrayer l'ascension de la devise nationale, qui handicape les groupes exportateurs nippons et fragilise le tissu industriel de l'archipel.

Les milieux d'affaires japonais réclamaient cette action à cor et à cri depuis longtemps, jugeant que les autorités tardaient trop.

En baisse en début de séance, la Bourse de Tokyo a salué le repli du yen en clôturant sur un gain de 2,34%.

Le gouvernement a agi au lendemain de la confirmation à son poste du Premier ministre Naoto Kan, réélu mardi à la présidence du Parti Démocrate du Japon (PDJ), formation de centre-gauche au pouvoir depuis un an.

Bien que les interventions sur les marchés soient plus efficaces lorsqu'elles sont menées par plusieurs pays simultanément, Tokyo s'est résolu à passer à l'action seul. M. Kan avait cependant imploré par avance la compréhension des principaux partenaires du Japon la semaine dernière.

La Banque du Japon n'a pour sa part que brièvement commenté cette décision.

«La Banque du Japon espère que l'action menée par le ministère des Finances sur le marché contribuera à stabiliser les taux de change», a déclaré son gouverneur, Masaaki Shirakawa.

L'institut d'émission, qui s'est récemment bornée à étendre son dispositif de prêts à taux bas, afin de contrer les effets de la hausse du yen, a été critiqué à plusieurs reprises pour son manque de réaction vigoureuse.

Le porte-parole du gouvernement, Yoshito Sengoku, a redit mercredi qu'il attendait «que la Banque du Japon aide à inverser la tendance haussière du yen».

Les analystes pensent toutefois que cette intervention directe, même répétée, aura du mal à stabiliser durablement le yen à un niveau jugé acceptable, à cause des différences de taux et fondamentaux économiques entre le Japon et les États-Unis.