La modération a bien meilleur goût, susurre Éduc-Alcool à chaque réclame du monopole d'État qui nous incite à profiter de ses promotions. Mais pas au point de prôner la prohibition.

Pour la Banque du Canada, la modération se posera cette semaine ainsi: un taux directeur de 1,0% est-il assez modéré pour prendre en considération la décélération de la croissance au Canada, mais surtout aux États-Unis?

Les parieurs sur le marché obligataire jugent que non. Les économistes croient plutôt à une ultime hausse de 25 centièmes du taux directeur, avant une pause prolongée.

Les premiers pensent que les autorités monétaires canadiennes vont interrompre demain le mouvement timide à la hausse du taux directeur, amorcé le 1er juin. En deux séances, la Banque avait porté le taux cible de financement à un jour du plancher historique de 0,25% à 0,75%.

À cette hauteur, la politique monétaire canadienne reste des plus accommodantes puisque le taux d'inflation de référence se situe à 1,6%. En termes réels, il est encore négatif, une situation qui paraît justifiée seulement quand l'économie traverse une période de recul dangereux de l'inflation.

Or, selon la Banque, le taux d'inflation ne paraît pas en décélération comme aux États-Unis.

Cela dit, les tenants du statu quo arguent que l'économie américaine risque une rechute en décroissance, une situation qui ne pourra que toucher les exportations canadiennes et ralentir davantage une croissance qui n'a atteint que 2% en rythme annuel au deuxième trimestre, alors que la Banque prévoyait 3%.

«Hausser le taux enverrait un signal de confiance aux marchés et aux agents économiques, soulignent Gorica Djeric et Derek Holt, économistes chez Scotia Capitaux. Quelles seraient les manchettes si la Banque ne donnait suite qu'à des inquiétudes accrues?»

À 2%, l'économie canadienne progresse tout de même plus vite que son potentiel, estimé à 1,5%. Autrement dit, le taux d'inutilisation des capacités de production continue de diminuer, ce qui crée des pressions sur les prix, si minimes soient-elles.

En outre, la croissance plus faible que prévu au deuxième trimestre est avant tout le résultat d'une poussée des importations, ce qui reflète la robustesse de la demande intérieure, toujours la plus forte du G7. Ainsi, si la valeur des ventes au détail a progressé de 0,1% en juin, cela cache une poussée de 0,9% de leurs volumes.

Les autorités monétaires canadiennes ont pour mandat d'assurer la stabilité des prix. Elles doivent abaisser le taux cible quand le taux d'inflation tend à se rapprocher d'un rythme de 1,0%, le hausser quand il se rapproche trop de 3%. Son horizon d'efficacité étant d'un an, elles s'attachent donc à la tendance des prix d'ici un an.

Pointent-ils vers la hausse ou la baisse? La Banque estime qu'ils se dirigent doucement vers la hausse, ce qui commande un retour du taux cible à un niveau plus neutre, lorsque l'inflation aura atteint 2%.

«En augmentant le taux cible de financement à un jour de 0,75% à 1,00%, ce qui demeure un taux très bas, la Banque du Canada ne peut que promouvoir la stabilité financière à moyen terme, renchérit Sébastien Lavoie, économiste en chef adjoint chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne. Personne n'en tiendra rigueur à la Banque du Canada, elle ne ramènerait probablement jamais le taux cible à 0,25% ou 0,50% de toute façon.»

Lorsqu'elle l'avait fait durant l'hiver 2009, c'était pour relancer le crédit qui était paralysé par la crise financière.

Ces jours-ci, les taux des obligations canadiennes venant à échéance dans 10 ans sont plus faibles qu'en juillet. À eux seuls, ils ont, dans les faits, atténué l'effet du resserrement souhaité par la Banque. Ils assurent en outre que le loyer de l'argent est suffisamment attrayant pour stimuler la consommation des ménages et les investissements des entreprises.

Enfin, les inquiétudes des marchés financiers font en sorte que le dollar canadien ne s'est pas apprécié malgré les deux tours de vis de la Banque.

Voilà pourquoi une majorité de prévisionnistes s'attendent à ce que la Banque porte son taux cible à 1,0%. Ils croient aussi qu'elle restera ensuite en touche quelques mois, le temps de s'assurer que les conditions d'une relance durable de l'économie américaine en 2011 soient bel et bien en place, comme le soutient la Réserve fédérale.