La morosité persistante des investisseurs et des spéculateurs continue de pousser à la baisse les taux d'intérêt sur les obligations gouvernementales.

Les Treasuries américains venant à échéance dans 10 ans offrent un rendement de seulement 2,6% ces jours-ci, soit moins que la valeur du dividende de plusieurs sociétés de l'indice S&P 500 mesurée en pourcentage de leur cours boursier. Depuis l'éclatement de la crise de la dette souveraine parmi les membres de la zone euro, le taux des 10 ans américains a reculé de 140 centièmes.

Et la psychologie des marchés est telle maintenant qu'un taux de moins de 2% est tout à fait envisageable, selon Douglas Porter et Robert Kavcic, économistes chez BMO Marchés des capitaux. «La force gravitationnelle du taux cible de la Réserve fédérale à quasi zéro, s'il est maintenu assez longtemps, peut théoriquement ramener le rendement des 10 ans autour de 1%», affirment-ils dans un article intitulé «The Global Hunt for Yield» (La chasse mondiale au rendement). On s'attend à ce que le taux directeur reste à ce niveau plancher pendant encore un an au moins.

Outre la crise de la dette souveraine, l'attrait de la dette américaine (qui pousse les taux obligataires à la baisse) est stimulé par la décision récente de la Fed de réinjecter dans les Treasuries le produit des titres adossés à actifs hypothécaires venus à échéance qu'elle détient à hauteur de plusieurs centaines de milliards.

Moins prononcée, la baisse des taux sur les obligations canadiennes de 10 ans est tout de même substantielle. À 2,9%, le rendement est tout de même de 80 centièmes plus faibles qu'en avril, en dépit de l'augmentation de 50 centièmes du taux directeur de la Banque du Canada durant cette période.

À cette hauteur, les 10 ans rapportent à peine 10 centièmes de plus que le dividende moyen de l'indice S&P/TSX.

Dans d'autres pays, comme l'Allemagne, la France ou le Royaume-Uni, le dividende rapporte davantage que les obligations 10 ans du gouvernement. «La chasse mondiale au rendement est ouverte et les actions à dividende représentent une cible convoitée», écrivent MM. Porter et Kavcic.

Ce point de vue ne convainc pas tout le monde puisque, aux États-Unis par exemple, la valeur de l'indice S&P 500 reste inférieure à ce qu'elle était en 1998. Cet interminable marché baissier, malgré ses fortes fluctuations, peut encore perdurer. Le capital reste mal protégé.

«Mieux vaut comparer des pommes avec des pommes, propose Paul-André Pinsonnault, économiste principal à la Financière Banque nationale. Une obligation 10 ans de GE Capital offre un meilleur rendement qu'un dividende de GE capital.»

À ses yeux, c'est ce qui explique l'engouement grandissant des Américains pour les fonds communs de placement d'obligations corporatives, surtout parmi les investisseurs qui approchent de la retraite.

En outre, M. Pinsonnault est d'avis que le marché obligataire va se corriger. Autrement dit, les taux sont appelés à monter, bien que doucement, plutôt que descendre encore beaucoup.

Il note que, hormis l'énergie et les aliments, les prix montent aux États-Unis. La déflation n'est pas à l'horizon, par conséquent.

C'est sans doute aussi ce que doit penser Vincent Delisle, stratège chez Scotia Capitaux. Il voit les Treasuries 10 ans à 4,25% en décembre 2011, et les obligations canadiennes de même échéance à 3,95% dans la plus récente mise à jour de sa stratégie de placement.