L'Arabie saoudite a suspendu des services de BlackBerry, suivant les Emirats arabes unis, ces pays du Golfe exigeant de pouvoir surveiller les téléphones multimédias du fabricant canadien, qui réplique n'accorder aucune dérogation à son système très sécurisé de cryptage.

Mercredi soir, un responsable d'un des trois opérateurs saoudiens a indiqué à l'AFP qu'ils s'exposaient à une amende de 1,3 million USD s'ils ne se conformaient pas à la décision du régulateur des télécommunications saoudiennes.

«Les opérateurs vont se conformer à la décision (du régulateur) car ceux qui ne s'y plient pas devront payer une amende de 5 millions de riyals saoudiens (1,3 million USD)», a dit ce responsable sous couvert d'anonymat.

La Commission de la technologie des communications et de l'information (CITC) a annoncé mardi soir avoir ordonné aux opérateurs de suspendre des services de BlackBerry, le fabricant canadien Research in Motion (RIM) n'ayant pas accepté de modifier ses appareils pour «se conformer aux exigences de la réglementation».

La CITC n'a pas précisé à quelles «exigences» les BlackBerry ne répondaient pas, mais elle emboîte ainsi le pas aux Emirats, centre d'affaires du Golfe, qui ont décidé dimanche de suspendre à partir du 11 octobre les principaux services du téléphone multifonctions, qui soulèveraient des problèmes de sécurité.

Il s'agit notamment des services de messagerie instantanée, courrier électronique et navigation Internet.

La décision des Emirats est «définitive», a déclaré mercredi un responsable de l'Autorité de contrôle des télécommunications (TRA) dans un communiqué, mais le directeur général de TRA, Mohammed al-Ghanem a affirmé que son organisme «demeurait ouvert à des discussions pour une solution acceptable» par les deux parties.

Les Emirats comme l'Arabie saoudite censurent l'accès à Internet, notamment aux sites pornographiques ou présentant des images dénudées, ainsi qu'à certains sites politiques.

Or, les appareils de RIM présentent selon les experts un niveau de cryptage des données supérieur à la plupart des «smartphones», rendant très difficile la surveillance de leurs utilisateurs.

«Le cryptage est si fort que personne ne sait les surveiller. Ils ont un niveau de sécurité si bon que certains pays n'acceptent pas de ne pouvoir les contrôler», souligne ainsi John Hering, patron de la société américaine de sécurité en télécoms Lookout.

Le gouvernement indien, évoquant lui aussi des questions de sécurité nationale et la difficulté d'un «monitoring du BlackBerry», a également récemment menacé d'interdire certains services des appareils de RIM dans son pays, l'un des marchés télécoms les plus juteux au monde.

Mais alors que des informations de presse assuraient que RIM autoriserait les services de renseignement indiens à lire des messages cryptés d'utilisateurs en Inde, un porte-parole du fabricant a démenti mercredi tout accord en ce sens.

«Nous espérons parvenir à une solution (avec l'Inde). Mais il ne peut y avoir de compromis sur la sécurité pour les communications de nos clients», a déclaré à l'AFP Satchit Gayakwad.

RIM a parfois été accusé d'arrangements particuliers avec certains pays et l'ambassadeur émirati à Washington, Youssef al-Otaïba, avait assuré que son pays n'attendait que le même respect du «cadre juridique et réglementaire que celui que le fabricant accorde au gouvernement américain et à d'autres gouvernements».

Mais RIM a nié mardi avoir accordé de quelconques privilèges à certains pays, affirmant dans un communiqué «coopérer avec tous les gouvernements avec la même cohérence dans les normes (de sécurité) et le même degré de respect».

Et le co-directeur général de la société, Mike Lazaridis, a jugé dans un entretien au New York Times qu'il n'était pas possible d'interdire le cryptage, ce qui «fermerait (les communications pour) les sociétés, les commerces, les banques, Internet».

Le BlackBerry serait utilisé par environ 500 000 personnes aux Emirats et 700 000 en Arabie saoudite, les deux pays représentant globalement environ 2,6% des utilisateurs du téléphone dans le monde. Environ un million d'appareils seraient en service en Inde.