Si les entreprises américaines se font tirer l'oreille pour embaucher, ce n'est pas le cas des canadiennes et des québécoises en particulier.

En juin, il s'est créé 93 200 emplois d'un océan l'autre, dont 30 400 au Québec, selon les données de l'Enquête sur la population active (EPA) de Statistique Canada menée auprès de 53 000 ménages.

Ces résultats ont fait reculer le taux de chômage de deux dixièmes au pays et dans sa société distincte, à 7,9% et 7,8% respectivement.

Les résultats canadiens de juin sont les deuxièmes meilleurs depuis 1976, devancés seulement par ceux d'avril.

Le deuxième trimestre correspond à «l'épisode de création d'emplois sur trois mois le plus robuste de l'histoire canadienne en nombre d'emplois et le plus solide en pourcentage depuis 1984», soulignent Yanick Desnoyers et Marco Lettieri, de la Banque Nationale.

Depuis juillet 2009, l'économie canadienne, et surtout ses entreprises, a créé 403 000 jobs. Il en manque 14 000 seulement pour effacer les ravages de la récession sur le marché du travail. Aux États-Unis, l'écart est de huit millions.

Au Québec, la fournée de juin porte à 117 000 le nombre d'emplois créés depuis juillet 2009. C'est déjà 49 000 de plus qu'avant la récession. Le Québec est le chef de file en termes de croissance de l'emploi, fait remarquer Marie-Claude Guillotte, économiste Valeurs mobilières Banque Laurentienne à hauteur de 3% en un an. «Le taux de chômage est maintenant à son plus bas niveau depuis décembre 2008.» On est cependant encore loin du record absolu de 6,8% de juin 2007.

L'explication est simple : depuis janvier, l'EPA estime que le nombre de Québécois âgés de 15 ans et plus a augmenté de 39 400 alors que la cohorte des gens détenant ou cherchant un emploi s'est gonflée de 62 800 personnes. En juin, l'écart s'est élargi : 8600 contre 24 000. C'est là le signe indéniable que non seulement les entreprises reprennent confiance et embauchent mais aussi que les Québécois croient qu'ils peuvent dénicher du travail.

Il s'agit d'un contraste flagrant avec la situation américaine où le taux de chômage a reculé de deux dixièmes en juin parce que près d'un million de personnes ont quitté les rangs de la population active.

La restauration, l'hôtellerie, les services aux entreprises, l'enseignement et, dans une moindre mesure, la construction et la fabrication ont grossi leurs effectifs.

Au premier semestre, le Québec a créé en moyenne 13 550 emplois par mois, six fois plus qu'au cours des six mois précédents, un rythme insoutenable, estime Joëlle Noreau, économiste principale chez Desjardins. «La création d'emplois sera au rendez-vous au cours des prochains mois, prédit-elle. Toutefois, la comparaison du prochain semestre pourrait être moins flatteuse.»

Cela dit, le Québec comptait moins de travailleurs en usines, le mois dernier qu'en janvier. Il faut y voir l'effet direct de la baisse de nos exportations vers les États-Unis.

C'est avant tout le secteur des services qui embauche, tant au Québec qu'au Canada dans son ensemble.

À l'échelle canadienne, c'est quand même l'Ontario qui a embauché le plus à hauteur de 60 300, ce qui porte à plus de 220 000 les emplois créés en un an. Il en manque toutefois encore 22 800 pour effacer les ravages de la récession.

La moisson de juin est à considérer avec des pincettes. Les sommets du G8 et du G20 ont amené dans la région torontoise une manne fédérale exceptionnelle de un milliard. Un repli de l'emploi est à prévoir durant l'été, un peu comme la Colombie-Britannique en a connu un après les Olympiques, en février.

L'Ontario a d'ailleurs connu un important recul de mises en chantier qui ont fait reculer la moisson canadienne de juin. Le Québec fait ici encore bande à part. Entre mai et juin, le nombre de mises en chantier a augmenté.

Cela dit, un ralentissement des coulées de fondation est probable au second semestre, en raison de la hausse progressive des taux hypothécaires qui sera stimulée par le resserrement monétaire. «En ce qui concerne la Banque du Canada, nous ne qualifierions pas (les chiffres de l'emploi) de point déterminant (game-changer), puisqu'elle a déjà signalé son désir de resserrement, mais plutôt d'un accélérateur potentiel (scale-tilter)», nuance Michael Gregory, économiste principal chez BMO Marchés des capitaux.

C'est peut-être ce qu'ont vu aussi les intervenants sur les marchés de change puisque notre monnaie s'est appréciée de plus d'un cent contre le billet vert, dans les minutes suivant la publication de l'EPA.

La prochaine date de fixation du taux directeur est le 20 juillet.