L'inquiétude qui s'est emparée des investisseurs et des spéculateurs sur les grandes places boursières provoque un important rallye sur les marchés obligataires américain et canadien.

Cela va aider les gouvernements à financer leurs déficits à moindre coût, bien que les nouvelles émissions aient été rares ces jours derniers à cause des sommets du G20 et du G8, qui ont forcé plusieurs traders canadiens à travailler chez eux, et de congés fériés des deux côtés de la frontière cette semaine.

Prix inégalé

La ruée sur les bons du Trésor américain venant à échéance dans 10 ans en a fait grimper le prix à un sommet inégalé cette année. Pour chaque tranche de 100$ portant un coupon de 3,5%, les investisseurs étaient prêts à payer plus de 104$US hier. Cela signifie que le rendement effectif est passé sous la barre des 3%, un plancher qui tenait bon depuis le début de l'année.

«Le taux des obligations 10 ans américaines pourrait diminuer jusqu'à 2,80% cet été», croit Paul-André Pinsonnault, économiste principal à la Financière Banque Nationale.

Les chiffres de l'emploi en juin, dévoilés vendredi, pourront accélérer la tendance ou la briser. En mai, les entreprises n'avaient créé que 41 000 emplois, relançant les inquiétudes d'une reprise sans embauches, peu propice à une consommation soutenue ou à la stabilisation du marché immobilier. Si juin devait révéler moins de 100 000 embauches dans le secteur privé, la morosité perdurerait. Plus de 175 000 par contre seraient reçues avec un grand soulagement.

Pour les obligations canadiennes qui servent aussi de valeur refuge dans une moindre mesure, ce sera toutefois bien plus difficile de franchir la barre des 3,0%, croit M. Pinsonnault. Elles se négociaient autour de 3,10% hier.

À la différence de la Réserve fédérale, la Banque du Canada a déjà amorcé son resserrement monétaire qui devrait mener son taux directeur à au moins 1%, d'ici la fin de l'année. Le taux cible de la Fed ne devrait pas bouger. Il flotte dans une fourchette de 0% à 0,25% depuis décembre 2008.

Toutefois, la ruée sur les bons du Trésor américains repose sur des inquiétudes qui iront s'estompant, pense M. Pinsonnault qui croit toujours en la durabilité de la reprise. Si tel était le cas, les rendements présents sont trop faibles et devraient repasser au-dessus de 3,8% avant la fin de l'année, tout comme les rendements canadiens.

Redressement des taux

Tous les scénarios mènent à un redressement des taux d'ici quelques mois, croit Éric Lascelles stratège macroéconomique canadien chez TD Valeurs mobilières. Dans une étude parue lundi et intituée «Flipping a Two-Headed Coin» (Tirer à face ou face), il tire la conclusion suivante: «Si les conditions économiques s'améliorent, les rendements obligataires vont grimper. Si elles se détériorent, les gouvernements vont riposter à un point tel qu'ils sauveront l'économie (ce qui fera grimper les rendements) ou ils vont s'embourber dans leurs finances, ce qui va créer des inquiétudes et faire monter les taux.»

D'ici là, et ce pourrait être l'affaire de quelques mois, les gouvernements pourront emprunter à des taux très avantageux, du moment que leur solvabilité reste bonne, comme c'est le cas encore des États-Unis et du Canada dont la note de crédit est AAA.

«Les émetteurs ont des conditions d'emprunt avantageuses», souligne Jean-François Godin, vice-président aux recherches chez Valeurs mobilières Desjardins. La semaine dernière, l'écart entre le rendement d'une obligation canadienne et québécoise était de 94 centièmes. Québec aurait pu emprunter pour 10 ans à un taux tout juste au-dessus de 4%.

Jusqu'ici, le Québec a complété les deux cinquièmes de son programme d'emprunts annuels estimés à quelque 13 milliards.