Pfizer suspend son programme de fidélisation sur le médicament Lipitor qui avait semé la pagaille dans le milieu de la santé du Québec.

Le géant pharmaceutique a confirmé hier qu'il cessera d'émettre des «cartes de continuité» pour inciter les patients québécois à continuer à consommer du Lipitor, un médicament contre le cholestérol, même si des versions génériques à moitié prix sont apparues sur le marché il y a un mois.

Hier, La Presse Affaires faisait état de la controverse soulevées par ces cartes qui menaçaient d'entraîner d'importants coûts pour le régime public d'assurance médicaments et pour les assureurs privés, mais qui continuaient d'être distribuées par les médecins québécois.

« On n'aura plus de nouvelles cartes et on va arrêter la promotion de la carte », a confirmé à La Presse Affaires Maureen McConnell, directrice des communications de Pfizer Canada, qui ne sonne toutefois pas le glas du programme pour autant.

« Tout ce qu'on dit, c'est qu'on suspend le programme temporairement le temps d'avoir des discussions avec la RAMQ (la Régie de l'assurance maladie du Québec). La RAMQ est un partenaire très important pour nous et nous voulons travailler en collaboration avec eux », a-t-elle dit.

Pfizer explique que les cartes déjà émises continueront d'être honorées. L'entreprise affirme cependant qu'elle n'en a écoulé «qu'un nombre minimal», refusant d'être plus précise.

Interrogé hier par des journalistes alors qu'il participait à l'agrandissement de l'Hôpital général juif, le ministre de la santé, Yves Bolduc, a affirmé qu'il est personnellement intervenu pour demander à la RAMQ de faire pression sur Pfizer pour qu'elle cesse son programme.

« Dès qu'on a appris ce que Pfizer avait mis en place, nous avons demandé une vérification de la part de la Régie de l'assurance maladie du Québec et nous avons demandé à ce que la pratique cesse, le temps de voir en quoi ça consistait », a dit le ministre.

Le Lipitor, le médicament le plus vendu au monde, a coûté 229 millions à la RAMQ en remboursements l'an dernier seulement.

Le produit a toutefois perdu son exclusivité il y a un mois parce que ses brevets sont arrivés à échéance, et des versions génériques à moitié prix sont apparues sur le marché.

Mais Pfizer a répliqué en émettant des « cartes de continuité Lipitor » qui étaient notamment distribuées par les médecins.

L'entreprise remboursait aux détenteurs des cartes la différence de prix entre la version générique et le médicament original. Le hic, c'est que les assureurs, privés ou publics, n'étaient pas remboursés, et se retrouvaient à payer beaucoup plus cher chaque fois qu'un patient décidait de continuer avec le Lipitor.

La RAMQ, craignant pour la « pérennité » du régime public d'assurances médicament, avait demandé à Pfizer de suspendre son programme. L'entreprise a résisté jusqu'à hier, arguant que personne n'avait démontré l'illégalité de ses pratiques, avant de céder.

Pfizer a fait valoir hier que son programme de continuité sur le Lipitor n'était pas une première au Québec et que de « multiples cartes semblables sont actuellement actives dans la province ».

D'autres médicaments, notamment la pilule anticonceptionnelle Alesse, font en effet l'objet de programmes semblables. La RAMQ a expliqué que c'est l'ampleur des sommes en jeu avec le Lipitor qui l'a incité à régir cette fois.

Notons que la carte de continuité Lipitor avait fait l'objet d'un boycott de la part des pharmacien. L'Association québécoise des pharmaciens propriétaires avait en effet demandé à ses membres de ne pas l'honorer, ce qui a certainement freiné son utilisation.

Notons aussi que les patients assurés par le régime public continueront de se faire rembourser le Lipitor et non le générique, carte de continuité ou pas, puisque que le Conseil du médicament n'inscrira le médicament générique à sa liste de médicaments remboursables qu'à la fin du mois de juin. Plusieurs assureurs privés remboursent cependant déjà les versions génériques.