Moins la finance est réglementée, plus les employés de Wall Street font de l'argent. Les efforts en cours pour resserrer la réglementation dans le secteur pourraient donc avoir pour conséquence de réduire leurs généreux émoluments.

Telle est la conclusion que tire l'économiste français Thomas Philippon, de l'Université de New York et présent hier à la Conférence de Montréal. Ses travaux ont permis d'établir un lien entre le salaire versé à l'ensemble des employés du secteur financier et le niveau de réglementation.

Ainsi, après la crise des années 30, quand la réglementation a été resserrée, le salaire moyen des financiers s'est rapproché de la moyenne du secteur privé américain. La déréglementation des années 80 a eu l'effet inverse. Quand la crise financière a éclaté, les salaires à Wall Street, comprenant tout le personnel, y étaient 70% plus élevés qu'ailleurs dans le privé.

«C'est énorme, souligne le professeur associé à la Stern School of Business. Et si on prend seulement le ratio des gens très instruits, c'est 300%.»

Dans cette catégorie des archipayés, il y a tous ces docteurs en informatique ou en mathématiques qui ont fait leur entrée en masse dans la finance au cours des dernières années. Un de leurs objectifs: créer des produits de plus en plus complexes. «Quand les activités sont régulées et qu'on dit: tu as le droit de faire ceci, cela et rien d'autre, il n'y a aucune incitation à embaucher des gens qui sont créatifs», souligne encore M. Philippon.

Selon lui, il est futile pour les gouvernements de s'attaquer aux salaires des banquiers, comme le souhaite une partie de l'opinion publique américaine. Cela équivaudrait à du «micro-management», souligne-t-il.

«Si tu t'occupes du leverage (de l'endettement) et ensuite de la régulation du risque - que les banques et les institutions financières soient obligées d'avoir des provisions correctes pour les risques qu'elles prennent - ça devrait diminuer les salaires d'un gros bout. Du coup, il n'y a plus besoin de s'occuper des salaires directement.»

Des solutions en vue

La question de la réglementation des marchés financiers sera au coeur des discussions qu'auront les leaders du G20 dans deux semaines à Toronto. Déjà, les élus américains étudient un projet de loi. «Il y a une certitude, c'est qu'il y aura une nouvelle loi», a souligné à la même conférence Rick Ketchum, chef de la direction de la Financial Industry Regulatory Authority américaine. La forme qu'elle prendra reste toutefois obscure.

Il est aussi désormais de plus en plus clair qu'une nouvelle réglementation ne pourra être annoncée ce mois-ci, dans le cadre du G20.

L'Allemagne, elle, n'a pas attendu de consensus international pour agir. Et hier, le président de la BaFin, le régulateur financier allemand, a répété son appel à ce que d'autres juridictions la suivent.

«La mise en place de changements importants exige qu'un groupe de pays tire dans la même direction», a souligné Jochen Sanio, qui préside la BaFin.

Le mois dernier, Berlin a créé la surprise en interdisant, sans l'appui de l'Europe, des produits financiers jugés trop risqués. Parmi eux, on compte les ventes à découvert sans contrepartie sur les emprunts d'États de la zone euro et sur certains types de CDS (des credit default swaps ou des titres de couverture contre le risque de faillite d'un pays ou d'une entreprise).

«Nous pensons que le temps est venu de se dresser contre les excès de la spéculation, a expliqué hier M. Sanio. Nous ne craignons pas de rester seuls pendant un certain temps. L'avantage d'être seuls, c'est qu'on est en bonne compagnie!»