Règles bancaires, crise et dettes souveraines: les grands thèmes de l'heure ont dominé le 16e Forum économique international des Amériques qui s'est amorcé hier à Montréal.

Le retour à la discipline fiscale est impératif pour rassurer les intervenants sur les marchés financiers, mais il ne faudrait pas compromettre pour autant la durabilité de la reprise, encore fragile dans plusieurs pays.

«La consolidation fiscale doit être dictée par les circonstances», a précisé hier Mark Carney, gouverneur de la Banque du Canada, dans le cadre d'une table ronde qui l'opposait à Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France.

Cette délicate question a fait l'objet de plusieurs remarques hier dans le cadre de la 16e Conférence de Montréal. «Pour assurer une croissance durable, les gouvernements devront collaborer pour rééquilibrer l'économie mondiale, a lancé M. Noyer. Il faudra aussi qu'ils fixent un agenda pour réformer le système bancaire.»

Taxer les banques? M. Noyer a soigneusement esquivé le sujet en insistant plutôt sur l'urgence pour les pays de renforcer leur bilan.

De retour de la réunion du G20 des ministres des Finances en Corée du Sud, durant le week-end, M. Carney s'est dit très confiant d'en arriver à un nouveau cadre réglementaire d'ici la fin de l'année.

Ça ne sera pas facile, soulignait pour sa part Jochen Sanio, président de l'Autorité fédérale de supervision des marchés financiers d'Allemagne. Il a pourfendu la théorie du too big to fail (trop grosses pour défaillir) qui étrangle les États et les contribuables. Il a plaidé pour une réforme courageuse qui rende les banques too strong to fail (trop robustes pour défaillir).

Angel Gurria, secrétaire général de l'Organisation de coopération et de développement économiques, aussi de retour de Corée du Sud, a pour sa part insisté sur la pertinence de ne pas hâter indûment la consolidation fiscale. «Ce qu'il faut pour rassurer les marchés, c'est démontrer avec conviction comment on entend s'y prendre, a-t-il martelé à plusieurs reprises. Sans ajustement fiscal, pas de croissance à terme.» Il a donné l'exemple de plafonds pour les déficits budgétaires ou du rapport de la dette sur le Produit intérieur brut.

Changements structurels

Cela ne suffira toutefois pas. Il faut aussi apporter des changements structurels à l'économie mondiale, notamment en rétablissant des taux de change flexibles, en favorisant les gains de productivité, l'éducation et la recherche.

L'appréciation du dollar américain cette année va exactement dans le sens contraire d'un rééquilibre mondial, fait remarquer Jörg Decressin, directeur adjoint à la recherche au Fonds monétaire international. Il l'attribue au scepticisme des investisseurs alors que la classe politique se mobilise.

L'économiste préconise des mesures concrètes pour revenir à une fiscalité convaincante: décalage de l'âge de la retraite, élimination des échappatoires fiscales, contrôle des dépenses en santé.

La tâche ne sera pas facile. Se lancer dans de telles réformes est souvent sanctionné par les électeurs. «Il faut leur faire comprendre qu'ils perdront davantage s'ils ne se serrent pas la ceinture maintenant», insiste M. Gurria.

Les trois «C»

Pour Jonathan Spector, chef de la direction du Conference Board des États-Unis, la clé du succès repose sur trois entités: confiance, coopération et citoyenneté. Les deux premières s'améliorent depuis la crise. Reste la troisième, car le syndrome «Pas dans ma cour» est très présent partout où s'impose l'austérité, tant chez les individus que chez les sociétés.

La dette souveraine reste toutefois un danger moins grave que celui qui a éclaté au lendemain de la faillite de Lehman Brothers, en septembre 2008.

«Cette fois-ci, les risques sont clairs et de nature macroéconomique, comme les déficits budgétaires des États ou l'hésitation des entreprises à investir. Nous ne sommes pas plongés dans l'instabilité comme il y a trois ans», insistait M. Carney.

M. Noyer rappelle qu'il a fallu du temps aux banquiers centraux pour bien comprendre ce qui se cachait derrière l'opacité des produits financiers structurés.

De l'avis de tous les participants, le Canada se tire très bien d'affaire parce qu'il est entré dans la dernière récession avec des finances publiques en bon ordre. Le ménage avait été fait durant les années 1990.

Le président du Conseil du Trésor, Stockwell Day, a rappelé que le Canada vise le retour à l'équilibre dès 2014 et est déjà entré en phase d'austérité budgétaire.

Même si le Canada tire bien son épingle du jeu, «aucun pays n'est une île dans une économie mondialisée», a souligné, plus modeste, le ministre canadien des Finances, Jim Flaherty.