Sans conviction, la Banque du Canada a relevé d'un quart de point son principal taux directeur hier. Elle s'est abstenue de fournir la moindre précision sur la conduite du nouveau resserrement monétaire.

Le taux cible de financement à un jour passe de 0,25% à 0,50%. Il s'agit de sa première hausse en près de trois ans, la première depuis l'entrée en fonction du gouverneur Mark Carney, le 1er février 2008. La Banque est enfin la première du G7 à serrer la vis au loyer de l'argent.

«Étant donné l'incertitude notable pesant sur les perspectives, toute nouvelle réduction du degré de détente monétaire devra être évaluée avec soin, en fonction de l'évolution économique à l'échelle nationale et internationale», lit-on dans le communiqué.

Ce ton très prudent a surpris les observateurs, étant donné la vigueur sans équivoque de l'économie canadienne reconnue par la Banque elle-même.

La Banque y va plutôt à reculons: «Cette décision laisse en place un degré de détente monétaire considérable, compatible avec l'atteinte de la cible d'inflation de 2%, compte tenu de l'offre excédentaire importante au Canada, de la vigueur de la dépense intérieure et de la reprise mondiale inégale», précise le communiqué.

Les autorités monétaires s'inquiètent de la persistance des déséquilibres mondiaux et des tensions dans la zone euro.

Jusqu'ici, heureusement, cela a eu des effets limités au Canada en faisant retraiter quelque peu les prix des produits de base.

«Si la Banque n'avait pas augmenté ses taux, elle aurait signalé que c'est vraiment grave ce qui se passe en Europe», fait observer Sébastien Lavoie, économiste en chef adjoint chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne.

En dépit de la forte croissance annualisée de 6,1% de l'économie canadienne au premier trimestre, tout n'est pas rose pour autant, note la Banque. «Le redressement attendu des investissements des entreprises sera important pour favoriser une reprise plus équilibrée» qui repose jusqu'ici sur les programmes de relance gouvernementaux, le marché de l'habitation et les dépenses de consommation.

Le scénario économique de la Banque table sur une économie qui fonctionne à pleine capacité, dès le printemps 2011. Jusqu'ici, il se déroule comme prévu. Cela suppose que son taux cible soit alors près de 3%.

«Alors, pourquoi pareille hésitation de l'équipe Carney à le dire clairement? se demande Avery Shenfeld, économiste en chef chez CIBC. Parce qu'à ce moment-ci, la Banque ne peut écarter la possibilité qu'elle serre la vis à l'aube d'un krach des marchés financiers et des produits de base, d'une crise de la dette souveraine, voire d'une rechute de l'économie mondiale.»

Prenant acte des hésitations des autorités monétaires, Paul-André Pinsonnault, économiste principal, revenu fixe, à la Banque Nationale, ne partage pas la vision noire de son collègue torontois. «On ne saurait prendre à la légère une crise de dette souveraine, concède-t-il. Mais, en même temps, force est de reconnaître que l'incidence négative sur les marchés du crédit ailleurs dans le monde n'a pas été suffisamment grande pour compromettre la reprise économique mondiale.»

M. Pinsonnault plaide pour une politique monétaire «purement canadienne» afin d'éviter une surchauffe.

Quoi qu'il en soit, les institutions financières ont ajusté à la hausse leur taux préférentiel. Il passe à 2,50%. Les détenteurs d'hypothèques à taux variables voient le loyer de leur dette augmenter aussi de 0,25%.

La Banque de Montréal a fait un geste a contrario en abaissant de 10 centièmes le taux de son prêt hypothécaire à taux réduit. Il est affiché à 4,25%.

La Banque du Canada rétablit enfin son cadre opérationnel de la mise en oeuvre de sa politique monétaire.

Le taux d'escompte, qui correspond au loyer qu'elle exige lorsqu'elle prête aux institutions, passe de 0,50% à 0,75%.

Le taux de rémunération des dépôts consenti aux institutions qui lui confient une partie de leurs réserves reste à 0,25%.

La prochaine date fixe de fixation du taux directeur est le 20 juillet. Rien n'est encore joué.