La chancelière allemande Angela Merkel, à la tête de la première économie européenne, semble de plus en plus fragilisée, dans son pays comme sur la scène internationale, après sa gestion de la crise grecque.

Pourtant considérée, à 55 ans, comme la femme la plus puissante du monde par le magazine américain Forbes, Angela Merkel voit sa popularité fondre dans les sondages, plus de six mois après sa réélection, et sa gestion de la crise est critiquée de toutes parts.Tout a commencé avec les négociations sur un plan d'aide d'urgence à la Grèce, puis à l'ensemble de la zone euro, plombées, au regard de certains observateurs, par les atermoiements de la chancelière.

«Quand l'Allemagne a finalement accepté de contribuer au fonds de secours, (...) les problèmes économiques de l'Europe s'étaient largement aggravés, et l'Allemagne et les autres ont dû payer bien plus», a écrit cette semaine un éditorialiste du New York Times.

Dans la foulée, la chancelière a estimé que l'euro était «en danger» -- une déclaration alarmiste qui a fini par inquiéter les Bourses et fragiliser la monnaie européenne.

Résultat, en ajoutant la croisade lancée pour la réduction des déficits, Mme Merkel a suscité l'irritation de ses partenaires, notamment en France, et s'est attirée les foudres de plusieurs responsables européens.

En l'espace d'une semaine, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, s'en est pris à la «naïveté» de l'Allemagne, et un responsable de la Banque centrale européenne (BCE), Lorenzo Bini Smaghi, a implicitement accusé Berlin d'avoir «jeté de l'huile sur le feu».

D'autres ont critiqué le modèle allemand, qui serait trop tourné vers les exportations grâce à des salaires modérés, aux dépens de la consommation nationale, qui elle serait de nature à soutenir l'économie d'autres pays.

Le secrétaire américain au Trésor, Timothy Geithner, a ainsi invité jeudi l'Europe, et notamment l'Allemagne, à en faire plus pour soutenir la croissance mondiale, estimant que les Etats-Unis ne pouvaient être la seule locomotive.

Le comportement de Mme Merkel, sous pression d'une opinion publique ulcérée d'avoir à payer pour sauver les banques puis les mauvais élèves de la zone euro, «s'inscrit dans un contexte politique national», selon Ralf Jaksch du Centre for European Politics (CEP). «Une majorité des responsables de la coalition au pouvoir ont voté pour (le plan d'aide pour la zone euro) mais dans la douleur et étaient très loin d'être convaincus sur le fond».

La position de la chancelière est d'autant plus délicate qu'elle a été sévèrement sanctionnée dans les urnes début mai, avec une défaite cuisante pour son parti en Rhénanie-du-Nord-Westphalie.

Elle a du même coup perdu la majorité dans la chambre haute du Parlement, ce qui restreint d'autant sa capacité d'action.

Et cela pourrait continuer: l'an prochain, six des 16 Etats régionaux allemands sont appelés à renouveler leur parlement. «Si toutes ces élections vont dans le même sens que la Rhénanie-du-Nord-Westphalie (...), alors Merkel va trouver que les choses sont encore plus difficiles», selon Gerd Langguth, professeur de sciences politiques à l'Université de Bonn, interrogé par l'AFP.

Autant dire que les considérations de politique intérieure pourraient continuer à dicter les choix d'Angela Merkel, crise en Europe ou pas.