À la clinique d'infertilité OVO, plus de 400 couples sont prêts à commencer un processus de procréation assistée. Certains attendent depuis 18 mois que le coûteux traitement soit «gratuit», comme l'a promis Québec.

«Ils n'ont pas les moyens d'attendre. Ils sont à la limite de leur vie reproductive. Certains couples ont manqué l'opportunité. C'est dommage!» déplore le directeur médical de la clinique montréalaise, Dr François Bissonnette.

Or, ces couples ne sont pas les seuls à être déçus par la tournure des événements. Les régimes d'assurances privés ont été étonnés d'apprendre qu'ils devraient assumer environ la moitié des coûts de la procréation assistée, qui pourraient atteindre 80 millions de dollars par année. Cela fera inévitablement grimper les primes. À terme, l'ensemble des assurés pourraient payer 1% de plus par année.

Gratuit?

Pourtant, le ministre de la Santé a toujours parlé d'un programme «gratuit», prévoyant jusqu'à trois cycles de fécondation in vitro. Adoptée en juin 2009, la Loi devrait entrer en vigueur d'ici la fin du printemps.

De plus, le remboursement des traitements ne devait avoir «aucun impact sur les citoyens, sur les entreprises et en particulier les PME», comme le précisent les projets de règlements, publiés dans la Gazette officielle, le 24 mars dernier.

Or, le gouvernement a choisi d'inclure les médicaments contre l'infertilité à la liste de produits couverts par le Régime général d'assurance médicaments (RGAM), à la grande surprise des régimes d'assurances privés. Ceux-ci n'auront pas le choix de couvrir ces traitements qui sont présentement exclus de la majorité des programmes.

«Nous avons commencé à évaluer des médicaments. Mais ils ne seront pas sur la liste de juin», confirme Olivia Jacques, porte-parole du Conseil du médicament, l'organisme qui établit la liste des médicaments assurés au Québec.

Elle précise que les médicaments ne seront pas gratuits à 100%. Ils seront remboursés de la même façon que tous les autres médicaments au Québec qui sont soumis à une franchise et une coassurance.

Avec le régime public de la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ), les assurés doivent payer une franchise de 14,95$ par mois, et ils doivent défrayer 32% du prix des médicaments, jusqu'à une contribution annuelle maximale de 954$. Les régimes privés sont tenus aux mêmes règles de base, mais ils sont souvent plus généreux.

80 millions par an

La RAMQ n'a pas encore évalué l'impact du remboursement des traitements d'infertilité sur les primes. Mais les assureurs privés sont formels: «Tôt ou tard, c'est certain que ça va occasionner des augmentations de coûts pour nos clients», dit Johanne Goulet, 1ère vice-présidente en assurances collectives chez SSQ-Vie.

En tenant compte des chiffres actuels, SSQ-Vie estime que les primes vont augmenter de 0,5%. Mais l'impact pourrait atteindre 1% car la procréation assistée deviendra plus accessible.

«Quand on décide d'entrer dans une clinique de fertilité, il faut avoir jusqu'à 30 000$ à investir. Selon les besoins, le coût des médicaments oscille entre 800$ et 5000$ par cycle», calcule Pauline Ruel, pharmacienne consultante pour des régimes d'assurances privé. Pour trois cycles, le coût des médicaments s'élève jusqu'à 15 000$. D'autres experts avancent un chiffre de 18 000$.

En 2009, environ 2500 femmes ont eu recours à la fécondation in vitro, ce qui représente une facture de 32 millions de dollars, indique Karine Rivard, attaché presse du ministre de la Santé Yves Bolduc. Mais ces chiffres augmenteront avec la gratuité. À terme, près de 7500 femmes par année pourraient tenter leur chance, pour une facture totale de 80 millions par an.

Plusieurs provinces, comme l'Alberta, ont mis en place des programmes spéciaux afin que les médicaments très coûteux soient financés par l'ensemble de la population. Les traitements contre l'infertilité aurait pu être financés à l'aide d'un tel programme, estime Johanne Brosseau, conseillère principale chez Aon Conseil.

«Parions que le gouvernement a préféré ajouter les médicaments contre l'infertilité au RGAM, dit-elle, afin que son choix politique soit financé par les régimes privés, qui assument la moitié des coûts des médicaments au Québec.»