La progression des prix et des ventes des détaillants milite en faveur d'une hausse du taux directeur de la Banque du Canada, le 1er juin.

En revanche, les inquiétudes causées par l'ampleur de la dette de plusieurs pays de la zone euro de même que les lourdes tendances désinflationnistes aux États-Unis pourraient lui dicter d'attendre encore un peu.

De mars à avril, l'indice des prix à la consommation (IPC) a bondi de 0,3% pour faire passer le taux annuel d'inflation de 1,4% à 1,8%, révélait hier Statistique Canada. Au Québec, le taux d'inflation se situe à 1,9%.

L'IPC de référence, qui exclut huit composantes les plus volatiles et qui sert de baromètre de l'évolution des prix, a aussi avancé de 0,3%. Son rythme annuel s'accélère de 1,7% à 1,9%.

Dans les deux cas, la hausse est un peu plus forte que prévu. Les coûts du logement, qui incluent l'électricité et le chauffage, ont même bondi de 0,6%.

«Cette composante fortement cyclique a maintenant pris un virage au Canada, affichant sa première progression d'une année à l'autre en 11 mois», soulignent Yanick Desnoyers et Matthieu Arseneau, de la Banque Nationale. Le logement pèse 26,6% dans l'IPC.

Le mois dernier en fait, les prix ont progressé dans sept des huit composantes de l'IPC, l'exception étant les aliments, dont les prix ont reculé de 0,2%.

Bref, le taux d'inflation s'approche de la cible de 2% fixée par la Banque du Canada, mais son taux directeur reste anormalement faible. À 0,25% alors que l'inflation de référence trotte à 1,9%, il est, en termes réels, plutôt de -1,65%.

La maîtrise de l'inflation à long terme exigerait qu'il se situe plutôt aux environs de 3% quand la progression des prix atteindra 2%.

L'économie canadienne ne montre pas de signe d'essoufflement comme sa grande voisine. En mars, la valeur des ventes au détail a bondi de 2,1%, leurs volumes de 2,2%, selon l'agence fédérale. «La politique monétaire basée sur les taux directeurs près de 0% n'est plus appropriée, souligne Benoit P. Durocher, économiste principal chez Desjardins. La demande intérieure est très vigoureuse, comme en témoignent les résultats de mars des ventes au détail.»

Les économistes estiment que l'économie canadienne a progressé de près de 6% en rythme annualisé au premier trimestre. La croissance a été de 3,2% aux États-Unis et de 0,2% dans la zone euro, au cours de la même période.

Les perspectives canadiennes sont éclatantes. Les mises en chantier et la création d'emplois ont été fortes en avril. L'indicateur avancé composite a progressé de 0,9% aussi, portant sa série d'augmentations moyennes de 1% à 11 mois d'affilée.

Aux États-Unis, les pressions inflationnistes sont absentes. En fait, l'inflation de base, qui exclut là-bas l'ensemble des prix de l'énergie et des aliments, est passée le mois dernier sous la barre de 1% pour la première fois depuis le milieu des années 60.

La désinflation est bien installée. Certains prophètes de malheur reparlent de déflation, surtout si la reprise était compromise par l'instabilité des marchés financiers et un assèchement du crédit.

Bref, la désinflation américaine et la crise de la dette publique de plusieurs États de la zone euro sont susceptibles de freiner la Banque du Canada.

Lorsqu'elle a renoncé le 20 avril à son engagement conditionnel à geler son taux directeur jusqu'au 30 juin, les marchés ont escompté à 100% une hausse dès le 1er juin. Cette proportion n'était plus que de 25%, hier matin. C'était avant que l'Allemagne n'adopte son engagement dans le plan de sauvegarde de la zone euro estimé à mille milliards de dollars et que les Bourses nord-américaines ne garrottent leur hémorragie.

Les autorités monétaires devront donc scruter à la loupe les tumultes politiques et financiers, la semaine prochaine.