Tandis qu'investisseurs et spéculateurs financiers nourrissent leurs craintes, les progrès de l'économie réelle canadienne et américaine ne se démentent pas.

Des deux côtés de la frontière, les entreprises ont massivement embauché en avril.

Au Canada, on comptait 108 700 emplois de plus le mois dernier qu'en mars, dont la quasi-totalité vient du secteur privé, révèlent les résultats de l'Enquête sur la population active de Statistique Canada. Malgré l'arrivée de 92 000 personnes de plus sur le marché du travail, cela a été suffisant pour faire reculer le taux des demandeurs d'emploi d'un cran à 8,1%.

Du nombre, 35 000 des nouveaux emplois se retrouvent au Québec dont le taux de chômage recule à 7,9%. La société distincte a désormais récupéré tous les emplois perdus durant la dernière récession. Son économie est entrée de plain pied dans sa phase d'expansion. «Le Québec se démarque avec 23 900 emplois de plus qu'avant la récession, note Pascal Gauthier, économiste chez Banque TD Groupe financier. Son taux de chômage est à seulement six dixièmes de son niveau pré-récession d'octobre 2008.»

La Saskatchewan, le Manitoba, l'Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve et Labrador comptent aussi toutes plus d'emploi qu'en octobre 2008.

À l'échelle canadienne, 68% des postes perdus ont déjà été récupérés. Il existe même un plus grand nombre de travailleurs de 25 ans et plus qu'en octobre 2008. Les pertes restent concentrées parmi les 15-24 ans et dans le secteur des biens.

Le bond de 0,6% de l'emploi en avril est le plus élevé en 16 ans. Il contraste avec les gains soutenus mais plus modestes des mois précédents. «La fonte rapide des neiges et la température relativement clémente du mois d'avril ont vraisemblablement contribué au devancement de l'embauche de certains travailleurs saisonniers, suppose Benoit P. Durocher, économiste senior chez Desjardins. Cette augmentation hâtive du travail saisonnier implique cependant que les résultats du mois de mai pourraient se révéler décevants.»

Depuis août, la création mensuelle moyenne d'emplois dépasse néanmoins les 32 000.

La majorité des nouveaux emplois d'avril sont à temps plein et largement concentrés dans le commerce de gros et de détail, les services aux entreprises en particulier. Du côté des biens, les gains de la construction n'ont pas compensé les reculs dans l'agriculture et la fabrication.

Les chiffres sont quatre fois supérieurs aux attentes des marchés. Malgré des séances agitées en Bourse, le dollar canadien a gagné plus d'un demi-cent face au billet vert. «Ces chiffres ramènent les chances d'une hausse de taux par la Banque du Canada le premier juin, même si le contexte financier mondial peut encore peser dans la balance», soutient Douglas Porter, économiste en chef délégué chez BMO marchés des capitaux.

Ce n'est pas seulement les emplois qui augmentent. Le nombre d'heures travaillées a bondi de 1,1%. Cela indique que le marché du travail se tend rapidement.

Aux États-Unis, où la récession a détruit huit millions d'emplois, la convalescence commence enfin. En avril, il s'est créé 290 000 jobs, le chiffre le plus imposant en quatre ans. Le département du Travail a en outre révisé ses chiffres de février et de mars, ce qui ajoute 121 000 emplois.

Le gros de l'embauche est venu du secteur privé. Le recensement en cours, qui pourrait nécessiter temporairement plus de 500 000 paires de bras, n'en a mobilisé que 66 000 le mois dernier.

Le taux de chômage a néanmoins augmenté de deux dixièmes à 9,9%, à cause du retour massif de plus 800 000 personnes à la recherche d'un emploi.

Bref, l'optimisme renaît, mais le taux de chômage va diminuer très lentement.

Les Américains calculent qu'il faut avoir 16 ans pour faire partie de la population active, le Canada, 15. Malgré cet écart, la proportion des détenteurs et chercheurs d'emploi est de 65,2% aux États-Unis, soit deux points de pourcentage de moins qu'au Canada.

Avec la méthodologie américaine, le taux de chômage canadien est ramené à 7,2%, soit 2,7 points de moins que l'américain.