Le câblodistributeur albertain Shaw espère devenir un véritable géant multiplateforme après l'acquisition des chaînes de télé de Canwest Global pour 2 milliards de dollars.

Le groupe a conclu une entente pour mettre la main sur toutes les chaînes généralistes et spécialisées de Canwest, à l'abri de ses créanciers depuis l'automne. Malgré les doutes de certains analystes, les dirigeants de Shaw estiment payer un juste prix pour la quantité énorme de «contenus» qu'ils pourront ensuite vendre aux clients de leur futur réseau sans fil, prévu pour 2011.

«La force logique derrière cette acquisition pour Shaw, c'est la notion de contenu, a déclaré le président, Peter Bissonnette, pendant une téléconférence. Pendant la prochaine décennie, pour avoir du succès sur plusieurs plateformes en tant que distributeur, nous aurons besoin de contenus de qualité.»

Avec cette acquisition, Shaw misera sur un modèle d'affaires semblable à celui des conglomérats Rogers et Quebecor. Ce dernier lancera d'ici quelques mois un réseau sans fil partout au Québec, et compte offrir sur ses téléphones portables des contenus produits par son réseau TVA et ses autres filiales.

Une transaction complexe

Les dirigeants de Shaw ont mis de longues minutes hier à expliquer une transaction qu'ils qualifient eux-mêmes de «compliquée».

En gros, Shaw s'est entendu avec la banque d'affaires américaine Goldman Sachs pour racheter sa participation dans la filiale CW Investments de Global, qui détient les lucratives chaînes spécialisées comme Food Network, Showcase et Séries". Cette portion de l'entente équivaut à 700 millions.

Shaw assumera en outre une dette nette de 815 millions, en plus de verser aux créanciers de Canwest 478 millions de dollars. Notons que les journaux du groupe font partie d'un processus de vente séparé.

Le montant total de la transaction a été mis en doute par certains analystes hier, d'autant plus que Shaw devait au départ acquérir une participation de 20% (avec contrôle de 80% des droits de vote) pour seulement 95 millions!

«Nous aurions plutôt préféré voir Shaw se concentrer sur ses plans de déploiement d'un réseau sans fil dans l'ouest du Canada», a fait valoir Maher Yaghi, analyste chez Desjardins Valeurs mobilières.

Les dirigeants de Shaw tenaient toutefois mordicus à racheter la participation de Goldman Sachs sans avoir à passer par les tribunaux, ce qui, ultimement, leur donnera le contrôle total des actifs télévisuels de Canwest, incluant le réseau Global. Ils ont souligné que la cote de crédit de l'entreprise sera inchangée malgré la dette additionnelle.

La transaction doit recevoir le feu vert des créanciers et des autorités réglementaires avant d'être conclue. Le titre de Shaw Communications a clôturé à 18,72$ hier à Toronto, en baisse de 1,9%.

Journaux

Et qu'en est-il des 46 journaux de Canwest, dont les quotidiens National Post et The Gazette à Montréal? Le processus de mise aux enchères a pris fin vendredi dernier et trois acheteurs sérieux seraient sur les rangs, incluant le propriétaire du Toronto Star, Torstar, et son partenaire financier Fairfax.

Les centaines d'employés des journaux de Canwest sont impatients de savoir ce qu'il adviendra de leur gagne-pain. «Ce qu'on attend, c'est de connaître l'identité de l'acheteur et, surtout, s'il vendra des journaux du groupe par la suite», a indiqué Arnold Amber, directeur du syndicat CWA/SCA Canada, qui représente 8000 employés de différents médias au pays.

Espoir des travailleurs

Peu importe qui remporte la mise, M. Amber espère que le nouveau propriétaire mettra l'accent sur l'information locale, qui s'est beaucoup érodée ces dernières années avec la mise sur pied de l'agence interne Canwest News Service. «Pour affronter la concurrence de l'internet, il faut augmenter la qualité, et non l'abaisser», a-t-il lancé.

Les 250 syndiqués de la Gazette, pour leur part, ont hâte de mettre la restructuration derrière eux pour régler la quarantaine de griefs irrésolus avec l'employeur, a souligné Erwin Block, vice-président de la Guilde des employés des journaux de Montréal. Leur convention collective est échue depuis presque deux ans.