Les journaux hebdomadaires au Québec sont en bonne santé, tellement que de nouveaux titres viennent de s'ajouter depuis le début de l'année. La presse de proximité a décidément la cote.

Pas glamour. Le parent pauvre de l'industrie. Les éditeurs, journalistes et représentants publicitaires d'hebdos en ont entendu de belles sur leurs produits. Pourtant, la plupart des 220 hebdos du Québec, presque tous gratuits, respirent normalement. Et ce, malgré Internet qui pousse les groupes de presse de partout à revoir leurs modèles publicitaire et rédactionnel. «L'industrie des médias écrits vit des moments de grandes transformations. Mais les hebdos sont l'exception, car ils n'ont jamais eu d'abonnés», résume Serge Lemieux, vice-président des journaux Québec et Ontario de Médias Transcontinental.

Le Guide des médias 2010 des Éditions Infopresse rapporte des investissements publicitaires dans les hebdos de 305 millions en 2008, en hausse de 4,7%. «On est le seul média traditionnel qui ne connaisse pas de déclin, soutient Gilbert Paquette, directeur général et directeur marketing d'Hebdos Québec. Notre lectorat a augmenté de 2% et notre tirage de 4%, de 2004 à 2007. Plus les médias mondialisent la nouvelle et se centralisent, moins il en reste pour les régions. Et ça nous aide, car une étude du Centre d'études sur les médias démontre que les gens veulent des nouvelles sur leur ville, leur région. Il y a 15 ans, c'était en bas de la liste.»

La croissance des hebdos serait aussi imputable au boom immobilier. Selon l'Observatoire Grand Montréal de la CMM, le taux de croissance régional du nombre de ménages dans la province a oscillé de 3,2% et 16,4%, de 2001 à 2006. «Chaque fois qu'une maison se bâtit, un nouveau journal arrive», souligne Gilbert Paquette.

La direction des Hebdos Montérégiens qui publie l'Information de Sainte-Julie le confirme. À St-Amable, où le journal est distribué, la croissance démographique de 20% force l'entreprise à augmenter le tirage de 3184 à 3872 exemplaires, le 2 avril. «Les villes qu'on dessert ont explosé démographiquement, constate Philippe Auclair, directeur général des Hebdos Montérégiens. Plus on construit, plus on ouvre de commerces.»

Selon Hebdos Québec, les hebdos se classent au 3e rang des médias les plus populaires chez les annonceurs, derrière la télévision et les quotidiens. Et en moyenne, 90% de la pub est achetée par des annonceurs locaux.

Semaine après semaine, le média est convoité par les concessionnaires automobiles, salons de coiffure, agents immobiliers, centres d'entraînements, boutiques de vêtements... Payant un hebdo? «Ça peut l'être, car c'est un média de proximité, surtout en région, explique Benoit Chartier, président et éditeur de DBC Communications, qui publie trois hebdos à Saint-Hyacinthe et les environs. On devient alors le pouls de la région et le meilleur véhicule publicitaire. Si les gens nous lisent, les annonceurs s'accrochent.»

«L'hebdo est le seul média qui pénètre à fond dans les régions», note aussi Lucie Leduc, directrice générale de Réseau Sélect, maison de représentation publicitaire nationale.

Après le beau temps en 2008, la crise...

Le caractère «local et près des gens» des hebdos ne les immunise cependant pas contre tout. Comme bien des entreprises, ils ont été affectés par la crise économique de l'an dernier. Parce que les concessionnaires automobiles, l'industrie immobilière, les banques ont dépensé timidement dans les hebdos. «Dans le secteur automobile, on note une baisse de 20% à 25% des achats publicitaires. Et en immobilier, de 10%», dit Serge Lemieux.

Philippe Auclair estime la diminution générale des revenus publicitaires des Hebdos Montérégiens à 4%. «Face à la crise, on a tenté de nouvelles choses, explique le directeur général. On a mis en place d'autres types de publications et des bottins régionaux. On a ainsi élargi l'offre publicitaire et minimisé nos pertes.»

«Ce fut très difficile pour les représentants, soutient Lucie Leduc. Il y a eu des coupures de personnel. Mais la récession a permis aux plus créatifs de proposer des formats publicitaires originaux.»

Au cours de cette période, seuls les investissements gouvernementaux se sont accrus. «Les gouvernements ont lancé un paquet d'initiatives pour soutenir l'économie, par appel d'offres notamment dans nos pages, explique Serge Lemieux. Et, l'automne dernier, la publicité pour promouvoir la campagne de vaccination contre la grippe AH1N1 (voir encadré) fut salutaire pour plusieurs.»

Heureusement, la crise est maintenant passée pour les hebdos. «Les institutions financières sont revenues, ces trois derniers mois, note Lucie Leduc. Elles étaient absentes à cause des rendements négatifs. Le secteur automobile va aussi beaucoup mieux.»

L'avenir papier et Web

Aujourd'hui, le milieu concentre ses efforts sur le contenu et l'apparence de ses produits imprimés, tout en gardant un oeil sur Internet. Une réalité qu'il ne peut nier, même si un hebdo est plus attrayant pour les 55 ans et plus, moins consommateurs sur le Web, que pour les moins de 35 ans.

Après plusieurs questionnements et hésitations, bien des hebdos ont aujourd'hui une version quotidienne de leur publication sur Internet. «Ça complémente et non substitue leur info, note Lucie Leduc. L'avantage des hebdos, c'est que la clientèle de 50 ans et plus est fidèle. Mais on peut habituer les jeunes à aller lire sur Internet, pour ensuite les retenir.»

«C'est normal qu'on n'intéresse pas les gens de 25 ans, avoue Philippe Auclair. Ce n'est pas le lectorat qu'on vise en premier. On essaie quand même de les attirer. Le Soleil à Chateauguay s'est récemment mis sur Facebook. Et dans le temps de le dire, il y a eu 450 connexions.»