Les Québécois achètent de plus en plus sur l'internet, générant des ventes frôlant les 4 milliards de dollars. Mais les commerçants hésitent encore à se joindre au mouvement en ligne, plusieurs préférant utiliser leur site pour bien informer leurs clients.

Presque trois milliards et demi de dollars en 2009. Probablement 300 millions de plus cette année, si la tendance des derniers mois se maintient.

Les consommateurs québécois achètent de plus en plus par internet, selon «l'indice du commerce électronique» compilé mensuellement par CEFRIO, un consortium universitaire d'analyse en informatique.

Sa plus récente mesure, publiée hier, fait état d'une croissance annualisée de 12% en février dernier, et de 18% sur la moyenne des trois derniers mois.

Aussi, malgré le contexte d'incertitude économique et fiscale, les cyber-achats des Québécois progressent davantage que l'ensemble des ventes du commerce de détail.

L'an dernier, alors que les ventes au détail régressaient pour la première fois depuis 14 ans, les achats des consommateurs québécois sur l'internet ont encore progressé de 6%.

Pour 2010, le Conseil québécois du commerce de détail anticipe un rebond de 2% des ventes totales; les cyber-achats, eux, s'annoncent en plus forte hausse.

De l'ordre de 10% à 15%, selon les plus récentes mesures de l'indice de commerce électronique du CEFRIO.

Pourtant, s'ils veulent faire affaires avec des détaillants d'ici, les cyber-consommateurs québécois ont un choix encore très limité.

La raison? Les principaux détaillants établis au Québec hésitent encore à faire évoluer leur site internet d'un rôle de marketing vers celui d'un outil de vente directe.

En d'autres termes, ils hésitent à ajouter un volet transactionnel à des sites internet qui, dans certains cas, sont plutôt bien fournis en informations sur leurs produits et services.

Chez les chaînes de pharmacies Jean Coutu et Pharmaprix, par exemple, on préfère s'en tenir à des sites internet de marketing, sans volet transactionnel autre que la commande de cartes-cadeaux.

Chez Jean Coutu, le service internet de téléchargement et d'impression de photos électroniques, mis sur pied en 2003, connaît tout un succès.

Un nombre moyen de 22 millions de photos sont ainsi imprimées dans le réseau Jean Coutu chaque trimestre. Et la collecte de ces photos imprimées en magasin par les consommateurs s'avère une puissante mesure d'incitation pour faire d'autres achats.

Autre exemple: chez Rona, le poids lourd de la quincaillerie et de la rénovation résidentielle, la porte-parole, Julie Seidel, admet le flou envers le cyber-magasinage.

«Nous révisons ce que nous voulons faire avec notre site internet. Développer l'achat en ligne ou diriger les consommateurs vers nos magasins.»

Chez l'un de ses principaux concurrents, Canadian Tire, on a même décidé de faire marche arrière par rapport aux cyber-achats.

Le volet transactionnel du site internet, qui permettait l'achat en ligne et la livraison à domicile, a été fermé l'an dernier. Seul l'achat de carte-cadeau a été maintenu.

En contrepartie, Canadian Tire prétend avoir rehaussé «les capacités de recherche» de son site internet sur des milliers de produits et services offerts dans ses magasins.

«Notre expérience a démontré que les consommateurs recherchaient surtout des informations sur les produits, et non l'achat en ligne», selon Sarah Rodgers, porte-parole au siège social de Toronto.

«Par ailleurs, Canadian Tire a un réseau de 479 magasins qui sont à 15 minutes de route ou moins de 90% de la population canadienne. C'est pourquoi nous misons sur une meilleure «expérience d'informations» sur l'internet pour nos clients, plutôt que la vente directe.»

N'empêche, d'autres détaillants d'importance sur le marché québécois ont misé gros sur leur capacité de vente sur l'internet.

En alimentation, la chaîne de supermarchés IGA est encore la seule parmi ses semblables à offrir sur l'internet un service d'achat parmi 15 000 produits, préparés ou frais.

Les cyber-clients d'IGA peuvent aussi choisir entre cueillir leur commande dans le supermarché le plus proche ou la faire livrer à domicile.

Après plusieurs années, ce service est devenu chez IGA «l'équivalent en ventes d'un supermarché de taille moyenne, mais sans bâtisse», relate Alain Dumas, directeur aux affaires publiques.

L'élan de croissance se maintient, avec la valeur moyenne des commandes par internet qui croît de 15% à 20% par an. Quelque 150 supermarchés IGA participent au service, 10 fois plus qu'à ses débuts modestes il y a quelques années.

«Pour eux, il s'agit d'un autre service distinctif avec leur clientèle. D'autant qu'ils ont la responsabilité de préparer et de livrer les commandes reçues par internet, que nous leur acheminons de notre système central», explique M. Dumas.

Dans le non-alimentaire, c'est la chaîne de grands magasins Sears qui se démarque le plus de ses concurrents.

En fait, Sears a transféré sur le web les affaires qu'elle réalisait auparavant par ses divers catalogues saisonniers.

Résultats? Ces ventes représentent maintenant 10% des ventes totales de 5,7 milliards de Sears au Canada. Ce pourcentage a quintuplé en quelques années.

Les deux principaux concurrents de Sears ont des ambitions divergentes envers l'internet.

Chez le groupe HBC (magasins La Baie et Zellers), on s'abstient encore d'avancer tout projet particulier.

Mais chez Wal-Mart, devenue au fil des ans la plus grosse entreprise de grands magasins au Canada, la stratégie des cyber-ventes est en plein développement.

«Nous préparons l'ajout d'un volet transactionnel à notre site internet pour la fin de cette année, sinon le début de 2011. C'est une très grande priorité», indique Alex Robertson, directeur des affaires corporatives chez Wal-Mart Canada.

Le projet devrait impliquer toutes les principales catégories de produits offerts dans un magasin Wal-Mart, sauf l'alimentation.

Il fait aussi partie de la stratégie de commerce électronique «global.com» annoncée en janvier dernier par la direction internationale de Wal-Mart.

Cette stratégie vise à mieux coordonner et rehausser les capacités commerciales des sites internet actuels de Wal-Mart dans ses principaux marchés nationaux, dont le Canada.