Le gouvernement Harper se montre trop optimiste dans son dernier budget quand il dit être en mesure de rétablir l'équilibre budgétaire en 2015, estime le directeur parlementaire du budget, Kevin Page.

Dans rapport publié hier, M. Page a laissé entendre que le ministre des Finances, Jim Flaherty, a mis ses lunettes roses lorsqu'il a accouché de ses prévisions non seulement au chapitre de la croissance de l'économie, mais également en matière de lutte au déficit.

Ces prévisions, selon lui, ne sont pas « prudentes ».

Dans son budget, déposé jeudi dernier, le ministre Flaherty affirme que le déficit, qui est de 54 milliards de dollars en 2009-2010, sera graduellement ramené à 8,5 milliards en 2013-2014 et à 1,8 milliard en 2014-2015. Le grand argentier table sur la fin du plan de relance (19 milliards cette année), des compressions de 17,6 milliards au cours des cinq prochaines années et une hausse des revenus découlant de la croissance de l'économie pour éliminer le déficit.

Or, Kevin Page rétorque dans son rapport que M. Flaherty ne semble pas tenir compte dans ses projections qu'Ottawa est aux prises avec un déficit structurel de quelque 13 milliards, même après des compressions de 17,6 milliards sur cinq ans. Il estime donc que le déficit sera plutôt de 16,3 milliards en 2013-2014, soit presque le double de ce que prédit M. Flaherty, et que le boulet financier s'élèvera à 12,3 milliards l'année suivante au lieu de 1,8 milliard.

Selon M. Page, il faudrait soit augmenter les taxes ou les impôts, ou encore réduire davantage les dépenses pour mettre fin à l'encre rouge

à Ottawa.

« La structure budgétaire du gouvernement conservateur n'est toujours pas viable à long terme », affirme M. Page, qui ne ménage pas ses critiques envers le ministre Flaherty et le gouvernement Harper depuis

plusieurs mois.

M. Page met aussi en doute les comparaisons avantageuses du Canada par rapport aux autres pays du G7 que fait le ministre Flaherty. Dans son budget, le grand argentier du pays affirme que le Canada « a mieux résisté à la crise que tous les autres grands pays industrialisés ».

M. Page rétorque au contraire que, « bien que la récession mondiale ait son origine en dehors du Canada, le Fond monétaire international (FMI) estime que la gravité de la récession est à peu près la même au Canada que dans les autres pays du G7 ».

Il ajoute que les estimations du FMI montrent que l'économie canadienne va enregistrer une perte cumulative de 12,3 % du produit intérieur brut (PIB) par rapport au PIB potentiel entre 2009 et 2014, ce qui placerait le Canada au quatrième rang parmi les pays du G7.

Des munitions

pour l'opposition

Ce rapport du directeur parlementaire du budget a donné de nouvelles munitions aux partis de l'opposition. Le chef du Parti libéral, Michael Ignatieff, a soutenu que les « chiffres du ministre ne sont pas crédibles ». « On ne peut pas se fier à ce gouvernement pour éliminer le déficit »,

a-t-il dit.

Le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, a pour sa part rappelé que le ministre Flaherty avait été contraint de revoir à la hausse ses prévisions concernant le déficit en 2009 à trois reprises et il ne faudrait pas s'étonner, selon lui, qu'il se trompe

de nouveau.

Ce rapport de M. Page a piqué le ministre Flaherty au vif hier. Aux Communes, il a affirmé qu'il a concocté son dernier budget en se fondant sur la moyenne des projections de 15 économistes du secteur privé. « Le directeur parlementaire du budget a eu tort dans le passé et il a encore tort (...) S'il ne veut pas accepter nos prévisions, il peut bien en parler avec les économistes de la Banque TD, de BMO, de la CIBC, de la Banque Royale, la Banque de Nouvelle-Écosse, Merrill Lynch, la Bank of America, le Conference Board du Canada, Desjardins, la Caisse de dépôt et placement... » a lancé le ministre en réponse à une question du Bloc québécois.