La relance de l'emploi amorcée durant l'été se poursuivait le mois dernier au Canada alors que les États-Unis voient au mieux se profiler son ombre, comme la marmotte.

Il s'est créé 43 000 emplois en janvier, d'un océan à l'autre, dont 6200 au Québec, révèlent les récentes données de l'Enquête sur la population active (EPA) de Statistique Canada.

Le taux de chômage recule d'un cran à 8,3% au pays et de quatre dixièmes à 8,0% dans sa société distincte. Ce fort repli est attribuable au nombre de personnes à la recherche active d'un emploi qui a diminué deux fois plus que les entreprises ont embauché.

Les nouveaux emplois, pour la plupart à temps partiel, sont venus du secteur des services, des segments du commerce de gros et de détail, de l'hébergement et des services reliés à l'habitation. Ils ont profité surtout aux femmes et aux jeunes.

Le secteur des biens a éliminé quelque 23 000 emplois, concentrés dans la fabrication et l'agriculture.

L'entreprise privée a avant tout grossi ses effectifs, mais le secteur public aussi. Cela s'est fait au détriment du travail autonome, une catégorie plus précaire en général.

Le marché du travail canadien accuse encore un déficit de 279 000 emplois depuis son sommet d'octobre 2008; le Québec de 26 100 à peine.

Quel contraste avec la situation américaine où la cohorte des chômeurs s'est encore gonflée de 20 000 personnes en janvier! Depuis le début officiel de cette récession en décembre 2007, l'économie américaine a détruit 8,4 millions d'emplois, ce qui correspond à 6,1% de l'ensemble de la force de travail.

Mince consolation, le taux de chômage américain est passé de 10,0% à 9,7%. Cela peut surprendre, mais est attribuable à des divergences méthodologiques pour prendre le pouls du marché du travail.

Nos voisins utilisent une première enquête sur les salariés des entreprises (payrolls), qui additionne le nombre de travailleurs, mais qui exclut ceux de l'agriculture et les autonomes.

L'autre enquête est menée auprès des ménages (households) et sert surtout à mesurer le taux de chômage. Elle a compté non pas 20 000 emplois en moins, mais 530 000 en plus.

Elle est jugée plus volatile en raison de son échantillon plus petit et retient moins l'attention des marchés. Sa tendance à long terme épouse de près toutefois celle dite des payrolls. «Pour trouver la tendance sous-jacente, il est préférable de prendre la moyenne mobile de trois mois, explique Stéfane Marion, économiste en chef à la Financière Banque Nationale. Cela donne un gain mensuel de 110 000 emplois. Par le passé, l'enquête des ménages a devancé celle des payrolls aux sorties de récession.»

Voilà pourquoi les marchés n'ont pas été déprimés par les 20 000 emplois perdus rapportés alors qu'ils s'attendaient plutôt à la création de 15 000 jobs.

L'enquête américaine des ménages est un peu le pendant de l'EPA canadienne à qui l'agence fédérale accorde cependant un plus grand degré de fiabilité que son Enquête sur le nombre de salariés dont les résultats de janvier seront connus dans deux mois.

Il existe cependant une différence significative entre les deux enquêtes des ménages. Le Canada commence à compter les gens en âge de travailler à partir de 15 ans, les États-Unis 16. En adoptant la méthode américaine, le taux de chômage canadien est ramené à 7,4%. Cela permet de mieux comparer l'état de santé des marchés du travail canadien et américain.

«La tendance (des six derniers mois au Canada) est significative, note Avery Shenfeld, économiste en chef chez CIBC. Le gain moyen mensuel de 23 000 est un rythme capable de faire diminuer le taux de chômage d'un ou deux crans par mois. C'est un lent retour vers le plein emploi.»

Sur une base régionale, le Québec s'en tire en apparence encore une fois assez bien. La moyenne des six derniers mois est de 6900 emplois de plus.

Le problème, c'est que sa population active, c'est-à-dire celle qui détient ou cherche activement un emploi, croît trois fois et demie moins vite que la cohorte des 15 ans et plus. «Il faudra suivre de près cet indicateur qui est un baromètre de la capacité de l'économie à rencontrer les besoins des employeurs», prévient Jöelle Noreau, économiste principale chez Desjardins. Et des citoyens à payer des impôts, doit-on ajouter.

Le taux d'activité a baissé de trois crans à 64,8%, soit au niveau des États-Unis. Il s'élève à 67,1% à l'échelle canadienne.

En Ontario, beaucoup plus frappé que le Québec par la récession, le taux a au contraire grimpé de deux dixièmes à 67,2%. Voilà pourquoi, malgré 30 300 nouveaux postes en janvier, le taux de chômage n'a pas bougé à 9,2%.

Voici les chiffres par province tel que fournis par Statistique Canada vendredi, le taux du mois précédent étant entre parenthèses:

 - Terre-Neuve-et-Labrador 14,9 (15,2)

 - Ile-du-Prince-Edouard 9,9 (10,8)

 - Nouvelle-Ecosse 9,8 (9,6)

 - Nouveau-Brunswick 9,3 (8,9)

 - Québec 8,0 (8,4)

 - Ontario 9,2 (9,2)

 - Manitoba 5,4 (5,8)

 - Saskatchewan 4,7 (4,8)

 - Alberta 6,6 (6,6)

 - Colombie-Britannique 8,1 (8,3)

 Voici les chiffres par ville. L'agence avertit toutefois que les données peuvent fluctuer de façon importante puisqu'elles sont basées sur des échantillons modestes.

 -Saint-Jean, T.-N.-L. 8,6 (9,0)

 -Halifax 6,5 (6,6)

 -Saint-Jean, N.-B. 8,1 (6,7)

 -Saguenay 8,0 (7,3)

 -Québec 4,5 (4,9)

 -Trois-Rivières 9,6 (9,5)

 -Sherbrooke 6,1 (5,5)

 -Montréal 9,1 (9,1)

 -Gatineau 6,0 (5,9)

 -Ottawa 6,2 (6,0)

 -Kingston, Ont. 5,9 (6,0)

 -Toronto 9,4 (9,4)

 -Hamilton 8,9 (8,5)

 -Kitchener, Ont. 9,9 (9,3)

 -London, Ont. 8,7 (8,8)

 -Oshawa, Ont. 10,4 (9,9)

 -St. Catharines-Niagara, Ont. 11,2 (11,0)

 -Sudbury, Ont. 10,4 (10,4)

 -Thunder Bay, Ont. 7,6 (8,1)

 -Windsor, Ont. 12,8 (12,7)

 -Winnipeg 5,5 (5,6)

 -Regina 4,8 (4,9)

 -Saskatoon 4,8 (4,7)

 -Calgary 7,2 (7,2)

 -Edmonton 6,9 (7,6)

 -Abbotsford, C.-B. 7,3 (7,3)

 -Vancouver 7,8 (7,7)

 -Victoria 7,6 (7,5)

- Avec La Presse Canadienne