Comme en 1994 et en 1998, les rendements du marché obligataire pourraient être négatifs en cette année où les observateurs s'attendent à une augmentation des taux au cours de l'été ou l'automne.

Pour les obligations à court terme (échéance inférieure à cinq ans), les hausses de taux seront infléchies par les décisions des banquiers centraux qui devraient sortir de touche en seconde moitié d'année. Pour les échéances plus longues, c'est l'humeur des marchés qui sera déterminante. Or, devant les besoins colossaux de financement des gouvernements pour stimuler la sortie de récession, les investisseurs vont commencer à exiger une meilleure compensation que ce que leur offraient l'an dernier les États en échange de la liquidité de leurs titres de dettes.

Faute de quoi, ils pourraient se montrer réticents à acheter, ce qui provoquerait non pas une augmentation des taux, mais leur probable flambée.

«Les gouvernements devront chercher un arbitrage pour réduire le coût de leur dette», croit Benoit Durocher, vice-président à la direction et chef stratège économique chez Addenda Capital. Il s'attend donc à une offre d'échéances moins répandues comme des trois ou des sept ans, de manière à intéresser le plus grand nombre d'investisseurs désireux de calibrer l'échéance moyenne de leur portefeuille.

Cela ne devrait cependant pas parer une hausse des taux sur les marchés, ce qui est mauvais pour le rendement du marché obligataire qui évolue en sens inverse du mouvement des taux. Les investisseurs vont surtout miser sur des anticipations de hausses de taux pour les échéances plus longues.

«Je m'attends à ce que la structure de taux augmente de 75 à 100 centièmes au cours de l'année, affirme Michel Doucet, vice-président et gestionnaire de portefeuille chez Valeurs mobilières Desjardins. Si l'indice de référence DEX fait zéro, je vais être content.»

L'an dernier, il a procuré un rendement de 5,4%, soit un point de pourcentage de moins qu'en 2008.

Quand on examine ce qui a généré du rendement dans l'indice, on constate toutefois que 2008 et 2009 ont des histoires très différentes.

En 2008, les obligations du Canada ont procuré un rendement de 12%. L'année suivante, leur performance est plutôt de -1,5%.

À l'inverse, les obligations de sociétés avaient produit une plus-value de 0,23% en 2008, mais de 16,26% l'an dernier.

On ne s'en souvient que trop bien, le 15 septembre 2008, Lehman Brothers était acculée à la faillite, ce qui a provoqué la pire crise financière depuis la Grande dépression. Les investisseurs se sont réfugiés dans les obligations gouvernementales qui se vendaient à prix d'or. Plus une obligation est chère, plus son rendement est faible. C'est le signe d'un marché obligataire haussier.

À l'inverse, personne ne voulait plus détenir d'obligations corporatives. On les a bazardées. De nouvelles émissions étaient sans preneur.

En 2009, la crise financière a finalement été résorbée ou presque. Les investisseurs ont repris un certain goût pour le risque. Les écarts entre les taux des obligations du Canada et les taux des obligations des sociétés se sont rétrécis, ce qui a permis à ces dernières de générer un rendement bien plus élevé.

Cette année, croit M. Doucet, cet écart pourrait encore rétrécir, mais la mécanique sera différente. Les taux des obligations d'entreprises ne devraient pas beaucoup diminuer. C'est plutôt ceux des obligations gouvernementales, surtout à long terme, qui devraient augmenter.

«C'est la fin du marché haussier pour les obligations fédérales», prédit M. Durocher.

M. Doucet prévient que les petits porteurs de ces titres ne devraient pas paniquer quand ils vont recevoir le relevé de leur portefeuille qui pourrait afficher une moins-value. La pire chose à faire serait de vendre.

M. Durocher souligne que, dans un contexte de hausse des taux, les obligations provinciales sont souvent plus frappées parce qu'elles émettent davantage à longue échéance.

M. Doucet croit que les échéances plus courtes, de même que les titres de société, offriront un meilleur rendement cette année, à condition d'éviter les titres de pacotille (note de crédit inférieure à BBB).

«Dans les obligations, il y a trois mots clés: qualité, qualité, et liquidité. La qualité, c'est vraiment ce qui prime.»