L'événement le plus marquant de l'année? c'est la question qui était lancée sur mon blogue. mais les réponses, nombreuses, ont accentué mon indécision en cette année riche en crises et pauvre en temps mort. je me défile donc en vous proposant, en lieu et place, un abécédaire qui prend, par moment, les allures d'un bêtisier. car en 2009, on a vaillamment essayé de recoller les pots cassés. avec des succès mitigés.

A

Asper - CanWest Global Communications n'aura pas survécu longtemps à la mort de son fondateur, Izzy Asper, voilà six ans. Son fils Leonard Asper a réclamé en octobre la protection des tribunaux pour mettre à l'abri des créanciers de larges pans de cet empire médiatique qui croulait sous des dettes évaluées à 4 milliards de dollars. Le réseau Global et le quotidien National Post se retrouvent ainsi au bloc opératoire. Toutefois, même si CanWest réussit sa restructuration, les enfants Asper perdront la mainmise sur cette entreprise de Winnipeg qui reposait sur des actions à droit de vote multiple.

 

B

Bourse - Avec le sentiment de se retrouver au bord du précipice, la planète tout entière a retenu son souffle, en février et en mars. Puis, les apôtres de l'apocalypse ont été confondus par la spectaculaire remontée des indices boursiers, de 56% dans le cas de l'indice phare de la Bourse de Toronto. Reprise en forme de W, avez-vous dit? Parlons plutôt d'un rebond à la vitesse grand V.

C

Cossette - La querelle de famille de l'année. L'agence de publicité de Québec a, au final, réussi à tripler la valeur de ses actions, qui croupissaient sous les 3$. Mais l'offre d'achat hostile pilotée par l'ancien associé François Duffar a laissé des séquelles. La plus grande agence au pays est tombée aux mains d'un fonds américain, Mill Road.

D

Déficit zéro? - Avec les milliards dépensés pour se sortir de la récession, le déficit zéro est passé de mode en 2009. Pour l'année financière en cours, le gouffre budgétaire atteindra 56 milliards à Ottawa et 4,7 milliards à Québec. Ouf! Si tout se passe comme prévu et c'est un si hautement téméraire -, le gouvernement du Québec devrait renouer avec l'équilibre budgétaire dans quatre ans, alors que le gouvernement fédéral mettra, lui, cinq ans à atteindre pareil objectif. On s'en reparle l'an prochain, c'est promis.

E

Énergie NB - L'achat de cette société d'État du Nouveau-Brunswick par Hydro-Québec est la transaction la plus audacieuse de l'année. Mais avant d'évoquer la possibilité de rééditer cet exploit à l'Île-du-Prince-Édouard, le Québec devrait s'assurer de conclure cette transaction de 4,75 milliards de dollars. Ce n'est pas dans le sac compte tenu de la vive opposition chez nos voisins. Et cela, même si Hydro-Québec s'est engagéà geler le tarif d'électricité résidentiel et à abaisser le tarif industriel pendant cinq ans.

 

F

Frères Molson - Avec l'appui de ses grands frères Andrew et Justin, Geoffrey Molson, 39 ans, a réalisé son rêve d'enfance en rachetant le Canadien de Montréal, son amphithéâtre et la division spectacles qui porte le nom de l'ancien proprio, George Gillett. Pour ravir cette équipe très convoitée, les Molson et leurs partenaires ont déboursé 575 millions CAN, selon La Presse. Rentabiliser cet investissement de taille dans des entreprises à maturité représente tout un défi. D'autant plus que ça ne sent pas la Coupe...

G

Globalive - Enfin un nouveau fournisseur de téléphonie sans fil pour concurrencer l'oligopole formé par Bell Canada, Rogers Sans-fil et Telus. Depuis trop longtemps, les Canadiens paient leurs services trop cher. Mais l'arrivée de Globalive, contrôlé par le groupe égyptien Orascom, ce qui contrevient à la loi qui limite la propriété étrangère des sociétés canadiennes de télécommunications, s'est faite de bien mauvaise manière. En donnant un passe-droit au fournisseur du service de marque Wind Mobile, le gouvernement conservateur a créé un dangereux précédent qui pourrait avoir des répercussions ailleurs, comme en câblodistribution.

H

H1N1 - La pandémie de grippe A a causé toute une commotion cet automne. La campagne de vaccination du gouvernement du Québec a commencé sur les chapeaux de roue, sous un déluge de critiques. Malheureusement, lorsque le système québécois a été parfaitement rodé, le sentiment de crise s'était estompé. Néanmoins, près de 57% des Québécois ont été vaccinés contre cette maladie qui, cet automne, a fait 80 victimes dans la province.

I

Industrie de la construction - Malgré elle, l'industrie de la construction a été la vedette des dernières élections municipales. À coup de reportages-chocs, les rumeurs de collusion et de corruption ont fait place à des doutes tenaces. Les policiers enquêtent sur les liens troublants que certains administrateurs et élus entretiennent avec des firmes d'ingénierie et des entrepreneurs en construction. Même si la quasi-totalité des Québécois le réclame, le gouvernement de Jean Charest refuse toujours de tenir une enquête publique.

J

Jones - En 2009, Earl Jones est le visage du scandale financier au Québec. Il a emberlificoté 180 clients, dont plusieurs amis proches de sa famille, pour leur soutirer une somme estimée à 75 millions de dollars. Accusé de fraude et de vol au criminel, ce Montréalais pourrait rejoindre Vincent Lacroix (13 ans) et Bernard Madoff (150 ans) sous la lettre P pour prison.

K

K - La potasse (dont le symbole chimique est K) a fait la fortune de la Saskatchewan au cours des dernières années. Mais l'or rose a perdu de son éclat en 2009. Ce fertilisant qui se négociait à plus de 1000$US la tonne métrique en 2008 a vu son prix s'effondrer en raison d'une chute marquée (35%) de la demande. Avec le contrat que la Chine aurait récemment conclu avec un fournisseur biélorusse au prix de 350$US la tonne (fret inclus), certains analystes jugent toutefois que la potasse a touché le fond. Son prix devrait rebondir et, avec lui, le titre de Potash Corp.

L

Liquidités - Pour huiler l'économie mondiale, les dirigeants des banques centrales, Ben Bernanke en tête, ont inondé les marchés financiers de milliards de dollars en liquidités. Une prodigalité qui hantera l'année 2010, alors que des bulles spéculatives émergent notamment en Asie. Attention aussi à l'inflation, qui pourrait rappliquer comme un boomerang!

M

Magna - Frank Stronach pensait bien avoir réalisé son vieux rêve de devenir constructeur automobile de plein droit. Mais le fondateur de Magna International, l'un des plus grands fournisseurs de pièces, avec un chiffre d'affaires de 23,7 milliards US, a vu ses espoirs s'évanouir. Et cela, malgré l'entente conclue avec General Motors en mai pour le rachat de sa filiale européenne, Opel. GM, qui était très ambivalente face aux associés russes du fabricant ontarien, a fait avorter la transaction au terme d'un feuilleton de cinq mois qui a mis l'Allemagne à bout de nerfs.

N

Nortel - Plus personne ne croyait à la relance de Nortel, qui vivotait depuis des lustres. Mais c'est en janvier que l'on a achevé l'ancienne superstar des télécoms, qui se vend maintenant en pièces détachées. Les acquisitions en série, le krach des technos, des dirigeants cupides, des magouilles comptables et une mauvaise lecture des répercussions de la technologie IP ont tué Nortel. Ottawa aurait-il dû intervenir pour renflouer Nortel, de la même façon qu'il a secouru l'industrie automobile? Chose certaine, les gouvernements doivent trouver la façon de mieux protéger les retraites des salariés.

Photo Martin Chamberland, La Presse

Justin, Geoffrey et Andrew Molson.

O

Obama - C'est l'homme de l'année, même si son prix Nobel de la paix était prématuré, d'autant plus que le président des États-Unis a envoyé encore plus de troupes en Afghanistan. Barack Obama a sermonné les patrons de Wall Street et de Detroit tout en se montrant compatissant envers les travailleurs licenciés et les expropriés. Il n'empêche que son rêve d'une Amérique meilleure s'est brisé sur la dure réalité d'un taux de chômage de plus de 10%. Barack Obama est néanmoins en train de réaliser un exploit en faisant adopter une réforme de la santé qui offrira à 31 millions d'Américains une couverture médicale. Immense.

P

Pétrole - La crise économique mondiale a considérablement refroidi le prix du baril de pétrole, qui s'était enflammé à l'été de 2008. Mais quand l'économie reprend du mieux, le pétrole va, même si une partie de sa reprise s'explique par la mollesse du billet vert. En revanche, rien ne va plus pour le gaz, qui connaît sa pire année en 40 ans. Une surabondance de l'offre de gaz naturel liquéfié et une chute de la demande, entre autres, ont cassé les prix.

Q

Québec - Somme toute, le Québec a été relativement épargné par la récession, officiellement terminée cet été, même si ses répercussions sont encore bien présentes, notamment en aérospatiale. En novembre, le taux de chômage a reculé à 8,1%. Il ne manque que 13 000 emplois pour rattraper le terrain perdu lors de la récession. Il faut dire que le Québec avait souffert plus tôt de la crise manufacturière (meuble, bois, vêtement). Mais la Belle Province s'est tirée d'affaires grâce à une économie diversifiée et un État bien présent qui avait commandé des travaux d'infrastructures avant que la crise n'éclate.

R

Robinson - Après s'être battu pendant 14 ans pour réclamer et réhabiliter son oeuvre, plagiée par la boîte de dessins animés Cinar, Claude Robinson a enfin obtenu justice. Et une indemnité de 5,2 millions de dollars plus les intérêts depuis 1995! «Rares sont les individus qui, dans l'adversité, continuent leur combat et s'acharnent à vouloir faire triompher la vérité», a observé le juge Claude Auclair. Malheureusement, l'artiste devra encore prendre son mal en patience puisque les condamnés ont interjeté appel.

S

Sabia - La nomination à la va-vite de Michael Sabia à la tête de la Caisse de dépôt et placement du Québec a suscité une vive controverse et fait tomber les prétentions d'indépendance politique de la Caisse. L'ancien dirigeant de BCE a entrepris le virage prudence. Fini les risques immodérés et l'utilisation excessive de l'effet de levier: la Caisse ne jouera plus au casino avec les retraites des Québécois. Mais la crise existentielle de la Caisse est tombée à un bien mauvais moment. L'institution n'a pas profité à fond de la fulgurante remontée boursière, ce qui est de mauvais augure pour les résultats financiers de 2009.

T

Twitter - Le troisième site de réseautage social après Facebook et MySpace a connu une croissance fulgurante (58 millions d'utilisateurs par mois, selon ComScore), alimentée par les internautes qui veulent suivre les célébrités pas à pas. Mieux, cette jeune pousse de San Francisco serait maintenant rentable, grâce aux ententes conclues en octobre avec les moteurs de recherche Google et Bing, lancé par Microsoft en mai.

U

Urgence? - Quelle urgence? La volonté politique de réformer la réglementation financière exprimée lors de la rencontre des pays du G20 à Pittsburgh, en septembre, semble s'être émoussée. Tout au plus certains pays ont-ils circonscrit, temporairement, les primes aux banquiers. Quand à la conférence de Copenhague sur le climat, elle s'est soldée par un échec déguisé en entente fumeuse. Quelle urgence?

V

Voiture américaine - L'annus horribilis de Detroit, qui a dû implorer Washington de sauver sa peau. Si Ford a su tirer son épingle du jeu, il en va autrement de General Motors et de Chrysler, qui ont dû se mettre à l'abri de leurs créanciers pour une transformation extrême. Pour Chrysler, maintenant contrôlé à 55% par le syndicat américain des travailleurs de l'auto (UAW), cela s'est traduit par un mariage forcé avec le constructeur italien Fiat. Pour GM, cela a signifié le délestage des marques Hummer, Pontiac, Saturn et Saab, le renvoi de Rick Wagoner et de Fritz Henderson, la fermeture de 40% de ses concessionnaires et le licenciement de plusieurs dizaines de milliers de salariés. Or, même si GM compte rembourser en partie le Canada (1,5 milliard) et les États-Unis (6,7 milliards), ce constructeur dont nous sommes tous actionnaires reste déficitaire...

W

Wall Street - Par où commencer? Les contribuables ont déboursé une fortune pour sortir les institutions financières du pétrin, au premier chef l'assureur A.I.G, considéré comme «trop gros pour le laisser tomber». Pour se libérer du joug du gouvernement, la plupart des grandes banques ont remboursé le gouvernement ou sont en voie de le faire, la dernière étant Citigroup, mais les plus petites sont encore incapables de suivre. Avec le retour des fusions et des beaux jours à la Bourse, les institutions financières, peu reconnaissantes envers Washington, ont repris leurs mauvaises habitudes en se versant des primes qui rivalisent avec celles versées avant la crise. Le grand patron de Goldman Sachs, Lloyd Blankfein, n'a-t-il pas dit qu'il réalise «l'oeuvre de Dieu» ?

X

X-Men - Les X-Men et autres héros fort en muscles ont épousé Blanche-Neige et Cendrillon à la suite de l'achat de Marvel Entertainment par Disney au coût de 4 milliards US. Avec ce catalogue de 5000 personnages qui plaisent beaucoup aux garçons, Disney compte multiplier les produits dérivés et diversifier ses revenus.

Y

Yuan - La monnaie chinoise est loin d'avoir remplacé le dollar américain, même si le statut de devise refuge du billet vert semble plus chancelant. En revanche, la Chine, premier créancier des États-Unis, en impose de plus en plus. Et le pays s'inquiète fortement pour ses réserves en devises étrangères, de 2,3 billions US. La Chine remplacera-t-elle ses dollars par d'autres devises, dont le huard? À suivre en 2010.

Z

Zéro - Le taux directeur de la banque centrale des États-Unis frise le zéro, les fed funds se négociant entre 0% et 0,25%, un creux historique. C'est ainsi que la Réserve fédérale espère soigner une économie tuméfiée par la récession. Même raisonnement de ce côté-ci de la frontière, où la Banque du Canada maintient son taux directeur à 0,25%. Mais ici comme là-bas, ce zéro ne sera pas éternel...

Photo: AFP

Le président des États-Unis, Barack Obama.